
Des hospitalisations pédiatriques multipliées par cinq cet été
Cette vaccination très médiatisée a eu lieu à peine quelques heures après le feu vert des Centres de contrôle des maladies (CDC). Ces derniers émettaient leur conclusion attendue après l’autorisation accordée par la Food and Drug Administration (FDA) et à l’issue d’une journée de discussion entre experts dont les débats ont été retransmis en direct. Ce passage en revue des études transmises par Pfizer/BioNTech a abouti à un communiqué diffusé ce mardi recommandant la vaccination des 5/11 ans contre la Covid. Dans ce texte, les CDC rappellent notamment : « La propagation du variant Delta a entraîné une augmentation des cas de COVID-19 chez les enfants tout au long de l'été. Au cours d'une période de 6 semaines de la fin juin à la mi-août, les hospitalisations liées au COVID-19 chez les enfants et les adolescents ont quintuplé. La vaccination, ainsi que d'autres mesures préventives, peuvent protéger les enfants du COVID-19 en utilisant les vaccins sûrs et efficaces déjà recommandés pour les adolescents et les adultes aux États-Unis. Semblable à ce qui a été observé dans les essais incluant des sujets adultes, la vaccination est efficace à près de 91% pour prévenir le COVID-19 chez les enfants âgés de 5 à 11 ans. Dans les essais cliniques, les effets secondaires du vaccin étaient légers, spontanément résolutifs et similaires à ceux observés chez les adultes et avec d'autres vaccins recommandés pour les enfants. L'effet secondaire le plus fréquent était une douleur au bras ».Plus de la moitié des parents américains prêts à vacciner leurs enfants
Si les premières vaccinations ont pu avoir lieu quasiment
concomitamment à la publication de l’avis des CDC c’est en raison
d’une anticipation logistique au millimètre. Dès l’autorisation de
la FDA, « il n'y a pas eu un moment où les équipes n'ont pas
récupéré, emballé, et envoyé des vaccins. Ils ont travaillé 24h/24
et continueront à le faire », a ainsi expliqué Jeff Zients,
coordinateur de la lutte contre la pandémie à la Maison Blanche.
Résultat des millions de doses sont déjà positionnées dans les
hôpitaux, les cabinets pédiatriques et dans certaines écoles, avec
pour objectif que la campagne atteigne son rythme maximal dès la
semaine prochaine.
L’ambition du gouvernement est en effet une vaccination des 28
millions d’enfants américains avant Noël. Pour ce faire, cependant,
il faudra vaincre certaines réticences qui si elles ne sont pas
majoritaires ne sont pas rares : selon une enquête réalisée en
septembre par les CDC, 57 % des parents assuraient alors qu’ils
feraient « sans aucun doute » ou « probablement »
vacciner leur enfant.
Le meilleur moyen pour faire progresser la couverture vaccinale
L’exemple américain bien sûr ne peut qu’interroger en France. Les différences et les points de convergence avec la situation des États-Unis méritent d’être analysés. D’abord, il semble que les enfants français pourraient être moins vulnérables que les jeunes américains en raison d’un état de santé plus favorable (les taux de diabète et d’obésité y sont moins élevés). A contrario, comme aux États-Unis, la vaccination des plus jeunes apparaît aujourd’hui le principal levier pour faire progresser encore une couverture vaccinale qui semble désormais stagner. « A la date du 24 octobre 2021, il reste en France un peu plus de 17 millions de personnes non vaccinées : près de 7 millions de personnes âgées de 12 ans et plus, et plus de 9 millions de moins de 12 ans », remarque ainsi l’épidémiologiste Catherine Hill, citée dans le Monde. Et alors que les outils du type passe sanitaire ont été déployés pour convaincre les adultes et adolescents non encore vaccinés, d’aucuns considèrent que la méthode la plus simple désormais pour faire augmenter la couverture vaccinale serait d’inclure les plus jeunes dans la campagne. « Si on vaccinait les 5,8 millions d’enfants de 5 à 11 ans, (…) on causerait quelques myocardites ou péricardites. Mais on réduirait beaucoup la circulation du virus, à condition que la population comprenne l’enjeu et accepte cette vaccination » argumente ainsi Catherine Hill.Un bénéfice direct quasi nul pour les enfants
Cela serait-il cependant réellement utile et efficace ? Pour les plus jeunes, le bénéfice direct de la vaccination est très restreint. Les risques de formes graves sont en effet très limités. « On ne va pas se mentir, les risques pour cette classe d’âge sont quasi nuls », rappelle la présidente de la Société française de pédiatrie, le Pr Christèle Gras-Le Guen. Demeure le bénéfice indirect de la vaccination : la limitation de la circulation du virus. Sur ce point, les experts demeurent toujours divisés en ce qui concerne le rôle joué par les enfants dans la transmission. Le professeur d’épidémiologie Mahmoud Zureik (université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) est convaincu : « Les enfants constituent assurément un réservoir de circulation du virus, on le voit en Grande-Bretagne, dans un contexte de relâchement des mesures ». D’autres se montrent plus mesurés. S’appuyant sur différentes études ou encore sur l’absence d’explosion pourtant prédite à la rentrée, le professeur Robert Cohen (Hôpital intercommunal de Créteil) remarque : « Il y a des contaminations dans les milieux scolaires et les crèches mais elles sont modestes par rapport au milieu intrafamilial » et ajoute encore : « Depuis le départ, on a tous vu que les adolescents étaient plus infectés et plus contagieux que les jeunes enfants. Donc le bénéfice collectif à attendre de la vaccination des jeunes enfants est moins marqué que pour les jeunes adolescents ».Une évaluation complexe du bénéfice/risque
Si l’on fait fi de cette incertitude quant au rôle des enfants
dans la circulation du virus, une autre inconnue demeure : la
vaccination des enfants offrirait-elle un véritable rempart contre
la transmission ? Sur ce point, on le sait, les résultats suggèrent
clairement que la protection conférée par la vaccination sur la
transmission est loin d’être totale. Mahmoud Zureik reconnait qu’il
s’agit d’une « grande inconnue ». Elle est d’autant plus
problématique que les essais cliniques fournis par Pfizer/BioNtech
manquent d’une taille et d’un recul suffisant pour pouvoir être
assuré de l’absence d’effets secondaires, comme le note le Pr Eric
Caumes (infectiologie, Pitié-Salpêtrière) notamment sur BFM-TV. Or,
en la matière, les préoccupations se concentrent notamment sur le
risque de myocardite. La diminution de la dose et le fait que les
myocardites observées chez des adolescents ou des jeunes hommes
après vaccination pourraient être liées à la sécrétion de
testostérone pourraient limiter ce risque, avancent des experts
américains. Cependant, les réticences ne sont pas toutes
levées.
En France, de nombreux experts semblent ainsi plutôt plaider
pour la prudence. Ainsi, le Pr Christian Bréchot (ancien directeur
de l’Institut Pasteur) juge sur LCI que la vaccination des 5/11 ans
ne doit nullement être envisagée avant une vaccination complète des
plus à risque et une couverture vaccinale des plus vulnérables dans
les pays pauvres. Faute quoi il s’agirait d’une fuite en
avant.
Aurélie Haroche