Ces scientifiques qui croient à la piste de l’accident de laboratoire

Wuhan, le lundi 8 août 2021 – Regroupés du collectif DRASTIC, certains scientifiques sont convaincus que le SARS-Cov-2 s’est « échappé » du laboratoire de virologie de Wuhan.

Presque deux ans après le début de l’épidémie de Covid-19, le mystère reste entier. Personne ne sait avec certitude quand et comment est apparu le SARS-Cov-2, ce virus qui traumatise l’humanité (et sans doute personne ne le saura jamais). Si la piste de la zoonose, de la maladie transmise de la chauve-souris à l’homme via un animal intermédiaire, a longtemps été la seule privilégiée, une autre théorie concurrente, qui veut que le virus proviendrait du laboratoire de virologie de Wuhan en Chine, gagne en popularité. Si cette hypothèse a au départ été qualifiée de complotiste (le soutien de Donald Trump à cette théorie lui a fait beaucoup de mal), elle est désormais défendue par de nombreux scientifiques sérieux.

Un collectif de scientifiques « indépendants »

Certains de ces spécialistes se sont réunis dans un collectif indépendant, le DRASTIC (Équipe de recherche autonome radicale décentralisée enquêtant sur la Covid-19). Créé en février 2020 sur internet et regroupant des chercheurs du monde entier de différentes spécialités (biologistes, généticiens, statisticiens…), ce collectif a pour ambition de mener une enquête « indépendante » sur l’origine du virus. C’est la publication dans le Lancet, le 9 février 2020, d’une tribune de 27 scientifiques qui a conduit ces spécialistes à vouloir mener ces recherches parallèles. Cette tribune excluait purement et simplement l’hypothèse de l’accident de laboratoire et la qualifiait de complotiste. « Cette affirmation n’était accompagnée d’aucune donnée, on était dans l’argument d’autorité » explique Gilles Demaneuf, statisticien français et membre de DRASTIC. « C’est ce qui a fait naitre le doute en moi ».

Depuis lors, le DRASTIC épluche de nombreuses données en open data et les résultats des différentes enquêtes menées sur l’origine du virus. Ils en sont désormais quasiment convaincus, la catastrophe a bien été provoqué par un accident de laboratoire. « Nos travaux montrent qu’un accident de recherche est tout simplement le scénario dominant, à mon sens à 70-75 % » explique Gilles Demaneuf.

Cette hypothèse s’appuie sur plusieurs éléments. Tout d’abord bien sûr, la présence d’un important laboratoire de virologie à Wuhan, la ville dont est partie l’épidémie. « Cette ville est le premier centre mondial de recherche sur le coronavirus, alors que les premières chauves-souris sont à 40 km ». Ensuite, plusieurs fuites de documents ont permis d’établir que ce laboratoire connaissait de nombreuses failles de sécurité. « Un constat malheureusement commun pour une bonne proportion de ces nouveaux laboratoires » explique le DRASTIC.

Une expérience de gain de fonction à l’origine de l’épidémie ?

Enfin et surtout, le Sars-Cov-2 présente une grande proximité (96 % de génome en commun) avec un virus de chauve-souris, le RATG13, découvert par des scientifiques chinois en 2013 et étudié depuis dans le laboratoire de Wuhan. Différence principale entre ces deux virus, le SARS-Cov-2 présente un « site de clivage par furine », qui permet la contamination chez l’homme. Selon Etienne Decroly et Bruno Canard, deux chercheurs au CNRS, cette différence pourrait être le fruit d’expériences dite de « gain de fonction », des manipulations réalisées sur le virus pour accroitre sa contagiosité et sa létalité. Élément troublant : lorsque le laboratoire de Wuhan publie pour la première fois une analyse du Sars-Cov-2 le 13 février 2020 dans Nature, le site de clivage par furine a été « oublié ».

Pour le moment, aucune enquête internationale n’a permis de trancher avec certitude la question de l’origine du virus. En mars dernier, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait écarté la théorie de l’accident de laboratoire, mais beaucoup d’observateurs avaient accusé la Chine d’avoir manipulé l’enquête. Le président américain Joe Biden a plusieurs fois affirmé que l’hypothèse de l’origine humaine du virus n’était pas exclue et a demandé à la Chine de faire preuve plus de transparence. Mais campé sur sa position, Pékin refuse toute nouvelle enquête internationale sur son territoire.

Quentin Haroche

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