Sevrage tabagique : quand les médecins veillent sur les nuits de leurs patients

Plusieurs méta-analyses ont signalé le rôle positif joué par les professionnels de santé dans la réussite du sevrage tabagique. Ainsi, la revue systématique Cochrane de 2013 publiée par LF Stead and al. rapportait qu’un fumeur voyait ses chances d’arrêter de fumer augmentées de 80 % grâce au soutien d’un médecin généraliste (1).

Les omnipraticiens sont non seulement conscients de cette influence positive mais également du rôle majeur qu’ils sont invités à jouer dans la lutte contre le tabagisme. Ainsi, ils étaient 99 % à affirmer que la lutte contre cette addiction était au cœur de leur mission, interrogés dans le cadre du baromètre 2009 par Santé publique France. D’ailleurs, 86 % déclaraient alors avoir pris en charge au moins un patient pour un sevrage tabagique au cours de la semaine écoulée (2).

Les atouts du médecin généraliste pour accroître les chances de réussites du sevrage sont multiples. La relation de confiance qui existe entre un patient et son médecin traitant contribue en effet au dialogue sur ce sujet : le premier pourra notamment évoquer le plus sincèrement possible ses motivations et ses inquiétudes. En outre, la proximité géographique permet d’assurer un suivi régulier qui est essentiel, notamment pour l’adaptation des traitements nicotiniques de substitution (TNS).

Ainsi, l’accompagnement du médecin généraliste permet une prise en charge rapide des effets secondaires du sevrage ou des traitements nicotiniques de substitution. Parmi ces effets secondaires, les troubles du sommeil sont redoutés par les patients. Les difficultés d’endormissement, réveils nocturnes et rêves inhabituels sont en effet souvent rapportés chez les sujets en cours de sevrage et qui ont recours à des TNS. Bien que ces troubles ne se prolongent pas, ils constituent une cause fréquente de rechute comme le soulignaient dans leur article « Tabagisme et troubles du sommeil » paru dans la Revue des maladies respiratoires M. Underner and al (3).

Intérêt d’un patch 16 heures pour limiter les troubles du sommeil lors du sevrage

Dans ce contexte, le médecin peut s’interroger sur l’intérêt de l’utilisation d’un patch nicotinique 16 heures, plutôt qu’un patch nicotinique 24 heures. Ce type de patch, grâce à l’interruption de l’apport en nicotine pendant la nuit, permet de limiter la survenue de troubles du sommeil. Mais ces patchs 16 heures ne risquent-ils cependant pas d’entraîner un sous-dosage, lui-même susceptible de favoriser une rechute ? Sur ce point, l’étude publiée par Michael Ussher et coll. dans Hum. Psychopharmacol Clin Exp en 2003 apporte des éclairages intéressants (4). Les travaux du clinicien britannique se sont intéressés au moment de la journée où les phénomènes de rechute sont les plus fréquents. Chez les personnes en cours de sevrage qui ne bénéficient pas de TNS, ils s’observent majoritairement l’après-midi et le soir plutôt que le matin. Mais quelle est la situation en ce qui concerne les patients sous TNS et notamment ceux qui utilisent un patch 16 heures ? Pour répondre à cette question, 200 hommes et femmes bénéficiant à la fois d’un accompagnement comportemental et d’un patch 16 heures ont été suivis pendant deux semaines. Au cours de cette période, 70 participants ont connu une rechute. Il apparaît que la fréquence de ces dernières était bien plus élevée l’après-midi (30) et le soir (35) que le matin (5). Ainsi, apparaît-il que le choix d’un patch 16 heures ne semble pas associé à des rechutes matinales plus fréquentes, qui suggéreraient un sous-dosage. « Les résultats de notre étude confortent l’idée que le patch 16h ne désavantage pas les fumeurs par rapport au patch 24h malgré les faibles niveaux de nicotine délivrées dans les premières heures de la journée » concluent les auteurs.

Cet enseignement peut permettre aux médecins qui constatent des troubles du sommeil difficiles à supporter pendant le sevrage d’adapter leur prise en charge en s’orientant par exemple vers un patch 16 heures. Le praticien saura notamment déterminer si le niveau de dépendance du patient permet ce passage sans risque de symptômes de manque trop marqués.

Il s’agit d’une des multiples illustrations du bénéfice d’un accompagnement par un professionnel de santé dans le sevrage tabagique.

Léa Crébat

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