
L'insuffisance rénale aiguë (IRA) touche la moitié des
patients en état critique et est à l’origine d’une forte
morbi-mortalité. Indépendamment du moment où la thérapie de
remplacement rénal (épuration extra rénale EER) est initiée, la
mortalité des patients en état critique est de 40 à 50 %. Les
systèmes de cotation généraux tels que l'APACHE II (Acute
Physiology and Chronic Health Evaluation II), le Simplified
Acute Physiology Score II, le Logistic Organ Dysfunction
Score et l'Acute Tubular Necrosis-Injury Severity Index
sont peu performants pour prédire la mortalité des patients en état
critique atteints d'IRA sous EER. De plus, l'IRA concerne souvent
des patients atteints de défaillances multi-organiques, chez
lesquels la probabilité d'une mortalité imminente est élevée.
L'ajout d'une EER peut être alors considéré comme une intervention
inutile et coûteuse. D’où l'intérêt, avant d’initier l'EER, d’une
prédiction précoce de la mortalité en se basant sur les
informations disponibles, ce qui permettrait une prise de décision
éclairée.
Les associations entre les facteurs de risque initiaux et la mortalité à deux jours et à la sortie de l'hôpital ont été analysées à l'aide de la régression logistique. La discrimination des deux modèles a été évaluée. Après l’exclusion des patients en insuffisance rénale terminale nécessitant une EER avant leur admission en USC, des transplantés rénaux au cours de l'année précédente ou ayant ingéré des substances toxiques nécessitant une EER, 626 patients ont été inclus (âge moyen 62 ans, 64 % d’hommes), traités initialement par une EER intermittente (n = 300, 47,9 %), une EER continue (n = 211, 33,7 %) ou une dialyse soutenue de faible efficacité (n = 115, 18,4 %).
13 % de mortalité à J2 et 50 % de mortalité hospitalière
La mortalité à 2 jours après le début de l'EER a été de 12,9 % (n = 81) et la mortalité hospitalière de 50,5 % (n = 316). Les éléments prédictifs indépendants de la mortalité à 2 jours comprenaient la catégorie de diagnostic principal (p = 0,004) et le score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment ; odds ratio [OR] 1,36 par point, intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,24 - 1,50). Les facteurs prédictifs indépendants de la mortalité hospitalière comprenaient le score SOFA (1,29, IC à 95 % 1,21 - 1,37), le score de Charlson (1,20, IC à 95 % 1,18 - 1,43) et le transfert inter-hospitalier (OR 0,55, 0,38 - 0,81). Les statistiques C ont été de 0,81 (mortalité à deux jours) et de 0,80 (mortalité à l'hôpital).La principale limite à cette étude, est l'inclusion de patients chez lesquels la décision de fournir une EER avait déjà été prise. En théorie, si les patients atteints d'IRA sévère n'ayant pas reçu de traitement de réanimation avaient été inclus, la détermination de la mortalité précoce à l'aide des facteurs de risque de base aurait pu être meilleure. Cependant, cette équipe avait déjà montré chez les patients âgés de plus de 65 ans atteints d'IRA sévère que la mortalité était similaire chez les patients ayant reçu une EER ou n’en ayant pas reçu. De même, l'initiation de l’EER chez les patients qui récupèrent rapidement peut également être considérée comme inutile.
De la valeur du score SOFA
Cette étude a montré qu’un score SOFA plus élevé et le type de diagnostic principal à l'admission étaient des variables indépendamment associées à la mortalité à 2 jours après l'initiation de toute forme d’EER dans une cohorte non sélectionnée de patients en état critique. Cependant, la différentiation entre les décédés à court terme et les survivants à l'aide de ces facteurs pré-EER était moyenne. D'autres études intégrant des mesures de la tolérance hémodynamique et la biochimie au moment de l'initiation de l’EER pourraient améliorer les modèles de prédiction clinique de la mortalité à court terme.Dr Bernard-Alex Gaüzère