
Un tiers des patients anglais « Covid » sont des patients « avec »
Même s’il est peut-être vain d’espérer que la « transparence » permette de calmer les complotistes en tous genres, certains pays ont fait le choix de donner des informations claires sur le sujet. Ainsi, concernant la Grande-Bretagne, il est possible quasiment quotidiennement de pouvoir établir la distinction : actuellement 31 % des personnes hospitalisées n’ont pas été initialement admises pour Covid mais se sont révélées infectées par SARS-CoV-2.De la Suisse à l’Ontario
Peu à peu, d’autres pays font le choix de se convertir à cette
pratique de données plus détaillées. L’Ontario vient ainsi
d’annoncer qu’il allait désormais présenter quotidiennement des
statistiques dans ce sens. Les autorités québécoises ont récemment
proposé des données en la matière, tandis que l’Office fédéral de
la santé publique en Suisse a jugé qu’il était temps de se montrer
plus précis. Les Centres de contrôle des maladies (CDC) aux
Etats-Unis proposent également pour leur part ponctuellement des
éclairages : concernant par exemple les enfants, ils ont signalé
que 16 % de ceux hospitalisés pour Covid présentaient une
co-infection virale (majoritairement liée au VRS).
Les hospitalisations pour Covid (et non avec) très majoritaires en soins intensifs
Les chiffres des pays étrangers permettent de dessiner plusieurs
tendances. D’abord, la part de patients infectés hospitalisés «
pour » Covid demeure le plus souvent majoritaire (sauf chez
les enfants). En outre, elle est plus importante (voire presque
totale) quand on s’intéresse uniquement aux soins critiques. Ainsi,
en Ontario, sur 3 448 personnes hospitalisées signalées comme
atteintes de Covid, 54 % ont été admises en raison de cette
pathologie, tandis que 46 % l’ont été pour d’autres raisons. On
notera encore que dans un article de décryptage publié aujourd’hui
sur l’épidémie au Danemark, l’un des plus grands journaux danois
avance que dans 27 % des hospitalisations liées au Covid,
l’infection par SARS-CoV-2 était en réalité secondaire. Cependant,
en soins intensifs la proportion de malades admis en raison de la
Covid atteint 83 %. Au Québec où les données ne sont pas encore
parfaitement consolidées, le CISSS de Laval juge que 50 % des
patients « testés positifs » sont hospitalisés en raison de
la Covid. Cependant, « Pour les soins intensifs, c’est 100 %
», précise citée par Le Devoir la porte-parole du CISSS, Judith
Goudreau. Mais la donne est différente dans les hôpitaux
pédiatriques : « Aujourd’hui [mercredi], sur nos 20 patients
infectés, il y en a peut-être trois ou quatre qui sont malades de
la COVID-19. Les 16 autres, ils ont une autre affection. Ils sont
hospitalisés parce qu’ils ont une appendicite, parce qu’ils ont un
mal de ventre, une maladie chronique » note par exemple le Dr
Marc Girard, directeur des services professionnels au Centre
hospitalier universitaire Sainte-Justine. En Grande-Bretagne, la
moitié des enfants contaminés hospitalisés ne le sont pas à cause
de leur infection par SARS-CoV-2.
Décochage en France
Et en France ? Les données sont parcellaires. Dans son dernier
bulletin hebdomadaire, Santé publique France indique que 84 % des
hospitalisations signalées comme « covid » concernaient des
admissions pour lesquelles la maladie était la première indication,
tandis qu’en soins intensifs la proportion monte jusqu’à 94 %.
Cependant, la donnée est sujette à discussion comme le fait
remarquer Le Télégramme de Brest, ce qui expliquerait pourquoi
entre autres Santé publique France hésite à mettre en avant ce type
de statistiques. En effet, lors de l’enregistrement d’un patient
infecté par SARS-CoV-2 les équipes doivent déterminer si le patient
est admis « pour » Covid ou non : par défaut cette variable
est toujours cochée. Il n’est donc pas impossible que certaines
attributions relèvent d’une absence de « décochage ». Le
témoignage livré hier sur LCI par le Pr Bruno Megabarne (service de
réanimation de Lariboisière) signalant que dans son service un
tiers des patients infectés n’ont pas été directement hospitalisés
en raison de la Covid conforte cette hypothèse. A contrario, on
note que chez les enfants, « le décochage » est plus
fréquent.
Les hôpitaux sont pleins et la Covid est une pression supplémentaire, le reste n’est que statistiques
La distinction des causes d’hospitalisation agacent un certain nombre de médecins. D’abord, les équipes hospitalières tiennent à rappeler l’importance d’un dépistage systématique des patients, afin de pouvoir isoler les personnes positives pour éviter les infections nosocomiales. Par ailleurs, la détermination de la cause de l’hospitalisation et du rôle que peut jouer l’infection par SARS-CoV-2 est loin d’être toujours évidente. Pour Radio Canada, le Dr Adam Dukelow, vice-président par intérim et directeur médical du Centre des sciences de la santé de London (en Ontario) fait observer : « Si quelqu'un a un diagnostic de diabète et qu'il présente une (…) acidocétose diabétique, nous rechercherons une cause de cette acidocétose diabétique et si la seule cause potentielle que vous trouvez est la COVID, alors de nombreux médecins diront qu'il est à l'hôpital à cause de la COVID, mais d'autres non, donc c’est assez nuancé ». Sur le site l’Actualité.com, le Dr Alain Vadeboncoeur, ancien chef du département de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal commente dans le même sens : « Comme la majorité des séjours à l’hôpital concernent des personnes âgées et/ou fragiles (maladie pulmonaire chronique qui empire, condition cardiaque aggravée, chute chez la personne âgée, épisode de confusion, infection urinaire, etc.), je me demande comment on peut s’assurer que l’infection à la COVID ne joue qu’un rôle secondaire ».Plus prosaïquement, les équipes hospitalières constatent : ces distinctions ne changent en rien les tensions qui existent à l’hôpital et la nécessité donc d’éviter par de nouvelles contaminations (qui entraîneraient des complications nécessitant des admissions hospitalières) des engorgements plus importants.
Des données trop compliquées pour être transmises à tout le monde ?
Ces observations suggèrent qu’une des raisons des réticences des autorités sanitaires (notamment en France) à présenter ce type de données est la crainte qu’elles soient mal interprétées. Il s’agit d’éviter une minimisation de la gravité de l’épidémie (quitte à favoriser suspicions et perte de confiance) et de donner de nouveaux arguments à ceux qui appellent à un relâchement des mesures destinées à lutter contre la circulation du virus.Ne pas infantiliser la population
Cependant, alors que compte tenu de sa forte contagiosité et de sa très probable moindre gravité Omicron devrait encore faire progresser la part de patients en établissement de soins infectés mais non hospitalisés pour Covid, la demande de transparence ne peut que s’accroître. Elle s’inscrit dans une volonté d’une large part de la population de ne pas être infantilisé, de ne pas recevoir des informations filtrées car considérées comme trop complexes pour être appréhendées dans toute leur subtilité par chacun. Elles s’inscrit surtout dans un désir d’en finir avec des discours trop souvent catastrophistes, guidés par la peur. En la matière, les données que l’on observe concernant les enfants et le fait que lors de leurs hospitalisations, la Covid pourrait être plus fréquemment encore que pour les adultes accessoire, sont révélatrices. C’est en effet en se fondant sur des chiffres où la distinction entre « pour » et « avec » Covid n’existe pas que certains discours alarmistes progressent et confortent les appels à la fermeture des établissements scolaires.Aurélie Haroche