
Paris, le samedi 4 juin 2022 – La Première ministre Elisabeth Borne a nommé comme directeur de cabinet Aurélien Rousseau, directeur de l’ARS d’Ile de France durant l’épidémie de Covid-19.
« Au moment de commencer ma mission auprès d’Elisabeth Borne, j’ai une pensée pour ma grand-mère, Jeanne Boyer, élue à 29 ans en 1945 à Alès » a déclaré Aurélien Rousseau le 17 mai dernier, lorsque sa nomination comme directeur de cabinet de la nouvelle Première ministre a été rendu publique. Sans doute la politique d’Emmanuel Macron n’aurait pas été du goût de cette grand-mère communiste, qui avait fait promettre sur son lit de mort à Aurélien (son prénom a été choisi en référence au roman de Louis Aragon) de ne pas devenir un « bourgeois ». Mais l’énarque au parcours atypique n’est plus à un paradoxe près.
L’art de choisir ses moments
Sans doute ne s’imaginait-il pas finir un jour directeur de cabinet à Matignon lorsque, professeur d’histoire-géographie en banlieue parisienne, il militait pour le parti communiste. En 2007, sur les conseils d’un ami, il essaye et réussit à 31 ans le prestigieux concours de l’Ecole nationale d’administration (ENA). Sorti « dans la botte » (en tête du classement), il alterne entre cabinets ministériels et haute administration jusqu’à être nommé directeur de l’Agence régionale de Santé d’Ile-de-France en 2018.
A peine arrivé, il doit gérer la longue grève des urgences de 2019. Mais c’est surtout la crise de la Covid-19 qui va marquer la carrière du haut fonctionnaire. Aurélien Rousseau a d’ailleurs l’art de choisir ses moments. En 2015, il était entré au cabinet du Premier Ministre Manuel Valls un mois seulement avant les attentats du 13 novembre. En 2020, l’épidémie le surprend alors qu’il s’apprête à devenir père et c’est depuis la maternité qu’il doit répondre aux questions des journalistes sur la situation à l’hôpital le 21 mars 2020, quatre jours seulement après le début du confinement.
Un an après la première vague, Aurélien Rousseau confiait aux journalistes être encore hanté par ces terribles premières journées d’avril 2020, où les hôpitaux franciliens était au bord de la saturation, avec plus de 2 600 patients hospitalisés en soins critiques. Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, l’appelle en catastrophe, alors qu’il ne reste plus un seul lit de disponible en réanimation. Le directeur de l’ARS passera la nuit au téléphone pour trouver une solution. « Cette nuit-là, c’est passé à 2 ou 3 lits près ».
L’odeur du Rivotril au petit matin
Pendant ces premières semaines d’épidémie, Aurélien Rousseau arpente les services de réanimation. Un monde qu’il connait de l’intérieur, bien malgré lui. En 2008, sa scolarité à l’ENA avait été brutalement interrompue par un syndrome de Guillain-Barré, qui l’avait conduit pendant plusieurs mois en réanimation. De cette expérience il a tiré un livre (Boucle d’or, paru en 2016) ainsi qu’un amour étrange pour l’odeur du Rivotril, un sédatif utilisé en réanimation, sa « madeleine de Proust ».
En juillet 2021, après 15 mois à gérer lits de réanimation, approvisionnement en masque et dépistage massif, Aurélien Rousseau dit stop. Sans le dire clairement, il avoue être au bord du burn-out. « Toutes les nuits je me réveille en pensant à l’allocation des doses de vaccins ». Au moment de son départ, les médecins côtoyés ne manquent pas d’éloges, comme Patrick Pelloux ou Philippe Juvin, qui se souvient d’un soir où l’énarque l’a « aidé à gérer une épidémie naissante dans un Ehpad ».
Après un an à se « reposer » au Conseil d’Etat, le
voilà donc de nouveau en première ligne. De l’avis de ses
collaborateurs, son caractère méridional et chaleureux détonne à
côté d’une Elisabeth Borne réputée pour sa froideur. Désormais
passé maître dans la gestion des crises, il devra notamment aider
la cheffe du gouvernement à s’occuper de la pénurie de soignants
dans les services des urgences. Finalement, Aurélien Rousseau ne
reste jamais bien loin du monde hospitalier.
Quentin Haroche