Après l’AVC, ceux qui marchaient vite s’en sortent mieux…

La marche saine est considérée comme un processus largement automatisé ne requérant qu’une utilisation minimale de ressources. Cette « automatisation » permet de contrôler la marche sans surveillance attentionnelle continue, ouvrant ainsi la possibilité aux ressources exécutives d’être disponibles pour s’occuper de l’environnement ou pour effectuer des tâches cognitives annexes. Ainsi la marche « communautaire », nécessitant de l’attention pour naviguer dans des environnements complexes et changeants, peut se révéler problématique après un AVC. Afin d’observer les voies et les centres locomoteurs engagés pendant la marche, il est possible d’analyser les signaux cérébraux, et notamment l’activité du cortex préfrontal. Lors de tels enregistrements, l’imagerie par spectroscopie proche infrarouge fonctionnelle (fNIRS) révèle une suractivation du cortex préfrontal pendant la marche chez les patients hémiplégiques par rapport aux témoins sains, ce qui justifie la demande attentionnelle supplémentaire requise pour obtenir une locomotion simple. Lors de l’ajout d’une tâche supplémentaire à la marche, en plus de l’activation du gyrus frontal supérieur bilatéral, du gyrus temporal inférieur bilatéral et du noyau caudé gauche, le fonctionnement du cortex préfrontal se trouve être d’autant plus exacerbé. On pourrait penser que pour réaliser de bonnes performances, une vitesse de marche suffisante soit requise afin de produire la fréquence de stimulation nécessaire pour engendrer des processus automatiques de contrôle de la marche. Pour tester dans quelle mesure la vitesse de marche initiale influence la performance à la double tâche, en supposant que la vitesse de marche lente affecte le contrôle automatique de la démarche, les données d’un essai randomisé ont été utilisées pour comparer les résultats de mobilité chez les personnes ayant une vitesse bonne (⩾ 0,8 m s−1) et les personnes ayant une vitesse limitée (<0,79 m s−1) au départ.

Seuls les bons marcheurs parviennent à améliorer la marche avec distraction cognitive

Vingt séances de marche sur 10 semaines avec ou sans distraction cognitive ont été « administrées » à 45 adultes avec une déficience de la marche à six mois de leur AVC. Chaque séance consistait en un échauffement de 10 minutes, 30 minutes de marche en zone anaérobie (entre 55 % et 85 % de la fréquence cardiaque maximale) et 5 minutes de récupération, le tout sur un tapis roulant. L'entraînement a progressé pour augmenter la vitesse de marche (et la durée si 30 minutes ne pouvaient pas être atteintes). L'entraînement à double tâche du groupe avec distraction comportait l'ajout de trois types d’activité cognitive, chacune pendant 10 minutes : tâches cognitives discrètes, une tâche d'écoute ou encore description du programme de la journée. Des groupes de marche ont été formés en fonction de la vitesse, quelle que soit l’intervention reçue (avec ou sans distraction cognitive), pour une vitesse seuil de 0,8 m/s. A l’analyse, la marche sans distraction cognitive s’est améliorée dans les deux groupes (∆ligne de base : groupe vitesse bonne = 8,9 ± 13,4 m, limitée = 5,3 ± 8,9 m, p < 0,151) mais seuls les bons marcheurs ont amélioré la marche avec distraction cognitive (∆base : groupe vitesse bonne = 10,4 ± 13,9 m, limitée = 1,3 ± 7,7 m, p<0,025). Le fNIRS a indiqué une augmentation de l’activation du cortex préfrontal pendant la marche avec double tache après l’intervention (p = 0,021). L’IRM a révélé un plus grand coût de la distraction cognitive pour les marcheurs limités avec une connectivité accrue de M1 controlésionel. Après l’intervention, la connectivité à l’état de repos entre M1 ipsilesionnel et le lobe pariétal supérieur bilatéral, impliqué dans l’intégration des signaux sensoriels et moteurs, a augmenté chez les bons marcheurs par rapport aux marcheurs limités.

En conclusion, les altérations de la marche provoquées par la double tâche sont plus importantes chez les hémiplégiques avec des vitesses de marche initialement plus lentes. En effet, la vitesse de marche à l’entrée prédisait la réponse à l’entraînement avec distraction cognitive. Ainsi, chez les personnes en post-AVC qui marchent lentement, il pourrait être difficile d’améliorer la capacité de marche en double tâche. Il est probable que les hémiplégiques ayant une vitesse de marche plus lente n’aient pas suffisamment d’automaticité pour « libérer » les ressources exécutives et donc la capacité d’améliorer la marche à deux tâches, tandis que ceux qui marchent plus vite ont plus de ressources exécutives disponibles pour améliorer cette capacité.

Anne-Céline Rigaud

Référence
Collett J, Fleming MK, Meester Det coll. : Dual-task walking and automaticity after Stroke: Insights from a secondary analysis and imaging sub-study of a randomised controlled trial. Clin Rehabil. 2021;35(11):1599-1610. doi: 10.1177/02692155211017360.

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