
Dans un précédent article paru sur JIM.fr, j’avais indiqué que pour que la Variole du Singe (VdS) « s’installe » (s’endémise) hors de son écosystème spécifique actuel (réservoir de virus dans la forêt tropicale humide d’Afrique), avec la création d’un réservoir de virus animal, il faudrait que le virus trouve un écosystème équivalent ; ce serait le cas par exemple pour les forêts intertropicales d’Amérique du sud ou l’on retrouve des rongeurs et autres faunes mammifères comme en Afrique [1].
Devant l’augmentation régulière du nombre de cas humains en dehors de l’Afrique, avec une transmission uniquement inter humaine, la création d’un réservoir humain permettant l’endémisation mondiale de la VdS semble possible.
Une maladie sexuellement transmissible
En France, le premier cas a été détecté le 7 mai 2022. Depuis, selon les derniers chiffres donnés par Santé publique France le 5 juillet dernier, 577 cas de VdS ont été confirmés dont 67 % en Ile-de-France. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas ont été observés chez des hommes adultes ; seulement 3 femmes et 1 enfant ont été infectés. Aucun décès n’a été observé.
Enfin, 97 % des cas pour lesquels l'orientation sexuelle avait été renseignée sont survenus chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Parmi les 551 cas investigués, 78 % présentaient des lésions cutanées localisées dans la sphère génito anale, 73 % avaient une éruption cutanée sur une autre partie du corps, 75 % une fièvre et 72 % des adénopathies, 27 % étaient séropositifs pour le VIH et 5 % étaient immunodéprimés [2].
Depuis le début mai, près de 5 000 cas ont été confirmés en Europe ; on retrouve parmi ces cas une grande majorité d’HSH. Une récente étude conduite en Italie chez des HSH, présentée dans le JIM.fr [3], a conclu que « la variole du singe est une maladie sexuellement transmissible, bien qu’il soit encore difficile de déterminer si la transmission se fait par contact avec les lésions situées dans la zone ano-génitale ou par les fluides ».
Les résultats de cette étude italienne ont été confirmés par un autre travail conduit au Royaume-Uni auprès de 54 patients, également tous homosexuels contaminés par le virus début mai. Les symptômes présentés par ces patients étaient différents de ceux habituellement décrits en Afrique.
En effet, seulement 57 % des patients avaient présenté de la fièvre et quasiment aucun n’a eu d’éruptions cutanées sur le visage, alors que ces symptômes sont quasi-systématiques chez les patients africains. A l’inverse, 51 des 54 sujets britanniques ont présenté des lésions cutanées dans la zone ano-génitale [3].
Ainsi en comparaison avec la VdS en Afrique, trois différences
fondamentales peuvent être observées dans l’épidémie actuelle
:
1) La transmission virale est exclusivement
interhumaine.
2) Les cas sont majoritairement observés chez les HSH avec une
grande fréquence des lésions dans la sphère ano-génitales.
3) Les hommes sont très majoritairement touchés et aucun décès
n’a été observé.
Des conclusions doivent être tirées de ces constats épidémiologiques pour éviter l’endémisation humaine de la VdS.
Proposer la vaccination systématique aux HSH
La stratégie actuelle prônée par l’OMS prévoit la vaccination en anneau des cas contacts avec les vaccins de troisième génération. En France, seule cette vaccination des cas contacts et des professionnels de santé était recommandée. Mais plusieurs pays dont le Royaume-Uni et le Canada, tenant compte de l’épidémiologie de la VdS hors Afrique, ont ouvert la vaccination aux hommes homosexuels.
Le gouvernement français va élargir la vaccination aux « groupes les plus exposés », notamment les homosexuels, les personnes trans multipartenaires, les personnes en situation de prostitution, après un avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) en ce sens ; en effet ce vendredi 8 juillet, dans un communiqué, la HAS recommande une vaccination préventive contre la VdS pour les personnes les plus à risque d’exposition, notamment les homosexuels et les travailleurs du sexe.
Il est donc nécessaire de proposer la vaccination systématique aux HSH qui représentent aujourd’hui la majorité des malades et la principale source de diffusion du virus.
Il ne s’agit pas bien sûr de stigmatiser la population des HSH ; cela a été diffusé dans de nombreux média. Mais fonder une stratégie sur des constatations épidémiologiques validées n’est pas de la stigmatisation. A noter que des voix s’élèvent dans la communauté homosexuelle soutenant une telle démarche.
Le risque si l’on se « contentait » de la vaccination en anneau
des cas contacts serait de voir le virus diffuser dans un deuxième
temps dans la population générale et le voir s’endémiser hors
l’Afrique dans un réservoir strictement humain.
Pr Dominique Baudon