
Paris, le vendredi 16 septembre 2022 – Après l’avis du CCNE ouvrant la voie à la légalisation du suicide assisté, les président du CNOM et du SPAF s’interrogent sur les tenants et aboutissants d’une éventuelle réforme.
Le débat est désormais lancé. Ce mardi, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé en faveur d’une légalisation du suicide assisté pour les « personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables provoquant des souffrances physiques et psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ». En parallèle, le Président de la République Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’organiser une « consultation citoyenne » sur la question qui devrait aboutir à une loi dès 2023.
Dans le grand débat national qui se profile, nul doute que la parole des médecins sera particulièrement attendue. Une éventuelle légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie ne redéfinirait pas seulement le rapport de tous à la fin de vie, mais également le rôle du médecin, qui doit, en principe, lutter contre la mort et non pas la faciliter. Ce jeudi, le Dr François Arnault, président du Conseil national de l’ordre national des médecins (CNOM) et le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) ont tous deux étaient interrogés sur la question, le premier par nos confrères du Quotidien du médecin, la seconde par La Dépêche du Midi.
Le CNOM plutôt favorable, la SFAP très circonspecte
Pour le Dr Arnault, en se prononçant en faveur d’un suicide assisté sous conditions tout en s’opposant à l’euthanasie active, le CCNE a choisi la bonne voie. « L’Ordre n’est pas favorable à l’euthanasie » rappelle-t-il. L’instance nationale a interrogé tous les conseils départementaux et régionaux pour recueillir leur avis sur la question. « Nous n’avons jamais eu autant de réponses, tous les médecins se sentent concernés » constate-t-il. « Nous ferons ensuite une synthèse, puis nous produirons un texte présenté et voté lors du séminaire du Conseil national qui se tiendra en novembre », explique le médecin ORL, qui espère bien que l’Ordre pèsera dans les futurs débats.
Le Dr Claire Fourcade se montre beaucoup plus circonspecte sur une éventuelle légalisation du suicide assisté, qui entrainerait selon elle un changement de paradigme dangereux. « On passe de « vous pouvez compter sur nous » à « chacun décide par soi-même », la société peut choisir de privilégier l’autonomie mais l’autonomie n’est pas facile à porter quand on est fragile et malade » explique-t-elle. La présidente de la SFAP reconnait que la question n’est « pas simple, c’est beaucoup plus nuancé et complexe que pour ou contre » et espère également pouvoir « participer au débat de société parce qu’on a une expérience et que nos patients ne prennent pas la parole dans ces débats ».
Quel rôle pour le médecin dans un suicide assisté ?
Pour les deux médecins, plus que le débat sociétal en soit, leur préoccupation se concentre sur le rôle que le médecin aura en cas d’aide active à mourir. « Le CCNE ne détaille pas plus en avant ce rôle (…) Nous serons très attentifs. Le médecin doit-il être accompagnateur ? Sûrement. Effecteur ? Je ne crois pas, ce n’est pas son rôle » s’interroge le Dr Arnault, qui rejoint le CCNE sur la nécessité de prévoir une clause de conscience qui permettra au médecin de refuser de participer à un suicide assisté. « Nos propositions porteront strictement sur le rôle, la place du médecin et les garanties qui lui sont apportées : l’Ordre ne se prononcera pas sur le débat sociétal » promet le président du CNOM.
Du côté du Dr Fourcade, on insiste sur la grande réticence des soignants à participer activement à la mort des patients. « Nous avons interrogé l’an dernier l’ensemble des soignants de soins palliatifs : 4 % d’entre eux et seulement 2 % des médecins étaient favorables à l’euthanasie » rappelle-t-elle. Dans un communiqué commun avec divers sociétés savantes et organisations professionnelles (dont le Collège national infirmier), la SFAP a tenu à rappeler ce mardi que « donner la mort n’est pas un soin ». « Beaucoup de pays ont fait le choix d’une réponse non médicale en allant du côté du suicide assisté : en Suisse par exemple, il est interdit aux soignants d’y participer » explique-t-elle.
En définitive, les Dr Arnault et Fourcade espèrent que ce débat sur la fin de vie sera également l’occasion d’alerter sur le manque de moyens et d’effectifs des soins palliatifs. « Il est nécessaire que chaque département dispose d’établissements dédiés à la fin de vie, il faut lutter contre ces inégalités d’accès aux soins palliatifs » insiste le président du CNOM. « Ce qui nous manque, ce sont des moyens : aujourd’hui en France, deux tiers des patients qui en auraient besoin n’ont pas accès aux soins palliatifs » rappelle le Dr Fourcade.
Quentin Haroche