Feu vert à la commercialisation d’un anticorps monoclonal de Sanofi contre les infections à VRS du nourrisson

Paris, le lundi 19 septembre 2022 - Allons-nous vivre un des derniers automnes marqués par une épidémie de bronchiolite nécessitant une vigilance élevée des familles et des professionnels de santé et associé à un risque de saturation des services de pédiatrie ? Une telle perspective est plus qu’envisageable. L’Agence européenne du médicament vient en effet de donner son feu vert à Beyfortus, commercialisé par les laboratoires Sanofi, un anticorps monoclonal, destiné à prévenir les infections par le virus respiratoire syncytial (VRS).

Des épidémies importantes

Tout a commencé en 2017. Les laboratoires Sanofi et AstraZeneca signent alors un partenariat avec pour objectif le développement du nirsevimab : la firme anglaise doit se charger des travaux de recherche et de la production et Sanofi principalement de la commercialisation. Le nirsevimab est un anticorps-monoclonal à demi-vie prolongée « développé pour l’immunisation passive contre les infections des voies respiratoires inférieures causées par le virus respiratoire syncytial » explique le laboratoire Sanofi. On le sait les infections à VRS sont très fréquentes : la quasi-totalité des enfants ont été exposés au VRS avant l’âge de deux ans. Les bronchiolites sont également très répandues, puisqu’elles concernent près de 30 % des enfants de moins de deux ans chaque hiver, soit environ 480 000 en France. Heureusement, les cas rares sont graves. Cependant, les 2 à 3 % de nourrissons atteints qui doivent être hospitalisés chaque année représentent une charge importante pour les services hospitaliers, au-delà des risques de séquelle (asthme notamment). Les décès restent heureusement très rares (inférieurs à 1 %).

Une prévention non médicamenteuse et difficile à mettre en œuvre

La prévention de la bronchiolite repose aujourd’hui essentiellement sur les mesures hygiéniques classiques. Elles demeurent cependant difficiles à mettre en œuvre et on a pu observer au cours des deux dernières années que seuls des confinements stricts et un port du masque généralisé permettaient d’espérer de limiter significativement le nombre de cas. Un anticorps monoclonal, le palivizumab, commercialisé sous le nom de Synagis est par ailleurs indiqué chez les enfants nés prématurés en prophylaxie, mais son service médical rendu a été évalué comme « faible » par la Haute autorité de Santé. Par ailleurs, la majorité des hospitalisations pour bronchiolite concernent des enfants en bonne santé et nés à terme.

Quatre fois moins de risque de souffrir d’une infection à VRS nécessitant une prise en charge médicale

Ainsi, on mesure l’attente importante autour d’un traitement préventif efficace de l’infection à VRS. Le nirsevimab a fait l’objet de plusieurs études d’évaluation dont MELODY, « un essai de phase III, randomisé, contrôlé par placebo, mené dans 21 pays, visant à déterminer l’incidence des infections des voies respiratoires inférieures nécessitant une prise en charge médicale causées par le VRS (confirmées par PCR) pendant 150 jours post-dose, comparativement à un placebo, chez des nourrissons en bonne santé au début de la première saison de circulation du VRS de leur vie ». Les enfants enrôlés étaient en bonne santé et nés à 35 semaines ou plus et ont reçu « une dose unique de 50 mg (pour les nourrissons de moins de 5 kg) ou de 100 mg (pour les nourrissons de 5 kg et plus) de nirsevimab ou de placebo, par injection intramusculaire ». Les 1490 nourrissons ont été inclus entre juillet 2019 et février 2021. Même si l’évaluation a pu être en partie perturbée par l’épidémie de Covid (la circulation du VRS a en effet été limitée par les confinements et autres mesures de restriction), les résultats sont solides et montrent, comparativement au placebo, une réduction de 74,5 % (IC à 95 % 49,6 à 87,1 ; p<0,001) de l’incidence des infections des voies respiratoires inférieures à VRS nécessitant une prise en charge médicale, comme la bronchiolite ou la pneumonie. Le risque de contracter une infection à VRS est ainsi quatre fois plus faible chez les enfants ayant reçu une dose de nirsevimab. On observe par ailleurs que le pourcentage d’enfants hospitalisés pour des infections respiratoires basses à VRS a été de 0,6 % (6/994) dans le bras du nirsevimab vs 1,6 % (8/496) dans le bras du placébo, mais l’efficacité du nirsevimab n’est pas considérée comme significative sur ce point sans doute en raison du petit nombre de cas observés (62,1 % ; p > 0,05). Enfin, on signalera que l’efficacité du nirsevimab est moindre avant l’âge de 3 mois et en dessous d’un poids de 5 kg.

Bonne nouvelle pour Sanofi

Ces données associées à des travaux complémentaires concernant des enfants nés prématurés et/ou souffrant de pathologies chroniques ont conduit d’abord à l’obtention d’une voie d’accès prioritaire lors du dépôt de sa demande d’approbation auprès de l’Agence européenne des médicaments puis d’une autorisation européenne de mise sur le marché la semaine dernière. Désormais, c’est à chaque pays d’approuver l’arrivée du médicament sur son marché et de fixer un prix ; voire dans un second temps d’établir d’éventuelles recommandations. Il est probable que la France soit un des premiers pays à faire entrer le Beyfortus dans son arsenal thérapeutique. C’est une bonne nouvelle pour Sanofi après une période difficile marquée par l’absence de vaccin développé contre la Covid, l’arrêt des recherches concernant l’amcenestrant et la perspective de procès américains concernant Zantac. Cependant, sur le marché des médicaments préventifs et vaccins ciblant le VRS, le Beyfortus pourrait ne pas garder longtemps sa position enviable d’unique médicament disponible, un grand nombre de laboratoires travaillant sur cette pathologie.

Aurélie Haroche

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