La quatrième année d’internat pour les généralistes ne fait pas l’unanimité

Paris, le jeudi 29 septembre 2022 – L’annonce de la création d’une quatrième année d’internat pour les internes en médecine générale a suscité tantôt la colère, tantôt l’incompréhension.

Il y a ceux qui sont franchement contre, ceux qui demandent à voir et ceux qui s’interrogent. L’introduction dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023,  présenté ce lundi, d’un article créant une quatrième année d’internat pour les futurs généralistes a suscité des réactions contrastées mais globalement peu d’enthousiasme.

Le ministre de la Santé François Braun a précisé ce mardi que les internes seraient « incités très fortement à faire ce stage dans les déserts médicaux », via notamment des « rémunérations différentes » et des « possibilités de logement ».

Les principaux intéressés, à savoir les internes, ont déjà exprimé leur franche opposition à ce projet. Dans un communiqué commun, l’intersyndicale nationale des internes (ISNI) et le syndicat Jeunes médecins ont appelé à une « grande mobilisation allant jusqu’à la grève de tous les internes » en octobre.

« On ne peut pas imposer à des médecins en formation, à plus de 30 ans, de partir loin de leur famille (…) cette réforme menée sans concertations avec les principaux intéressés court au désastre » écrivent les deux syndicats, qui n’ont visiblement pas été rassurés par la promesse du ministre de la Santé, selon laquelle aucune contrainte à l’installation ne sera imposée aux internes.

Les syndicats de généralistes partagés


Les syndicats de médecins généralistes sont à peine moins réticents. Le Dr Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a exprimé ce mercredi sa solidarité avec les syndicats d’internes qui s’opposent à la réforme. « Cette quatrième année doit être professionnalisante en lien avec le projet professionnel et les jeunes ne doivent pas être la variable d’ajustement dans les déserts médicaux » estime le gastroentérologue.

Réaction un peu plus contrastée du côté de MG France, où si l’on n’est pas forcément opposé sur le fond à l’idée d’une quatrième année d’internat en zone sous-dense, on rappelle qu’elle ne sera véritablement efficace que si « elle se déroule dans un cabinet de médecine générale et est encadrée par des généralistes en activité (…) selon un cahier des charges qui doit impérativement être validé par les jeunes et les médecins en exercice ».

« Penser que la 4ème année serait la solution aux problèmes de démographie médicale est une erreur » rappelle le syndicat.

Les sénateurs défendent une proposition de loi autonome


Du côté du Sénat, particulièrement intéressé aux problématiques de démographie médicale (six rapports sur la question ont été rendus par la chambre haute au cours du précédent quinquennat), c’est surtout sur la forme que se concentrent les critiques. On ne comprend pas l’intérêt d’insérer une telle réforme dans le PLFSS, alors qu’une proposition de loi en ce sens des sénateurs LR sera examinée le 18 octobre prochain.

Cette proposition prévoit en effet de créer une quatrième année d’internat en médecine générale « à effectuer en priorité dans des zones sous-dotées, en cabinet libéral ou en maison de santé ». Les sénateurs souhaitent que cette année de consolidation soit la plus professionnalisante possible, avec une rémunération à l’acte et un « volet formation à l’exercice de la médecine de ville et à la gestion d’un cabinet ».

« Le gouvernement essaye de nous couper l’herbe sous le pied, sauf que sa mesure est clairement un cavalier du budget de la Sécurité Sociale » dénonce le sénateur LR Jérôme Bascher, qui craint que l’article du PLFSS puisse être censuré par le Conseil Constitutionnel, comme n’ayant que trop peu de lien avec des questions budgétaires. Avec leur proposition de loi, les sénateurs LR se posent en acteurs du dialogue, par opposition au supposé passage en force du gouvernement.

« Nous allons assurer aux étudiants que cette quatrième année ne sera pas une année de punition » explique la sénatrice LR Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.

Du coté du gouvernement, on préfère temporiser et on rappelle que toutes les modalités de la réforme n’ont pas encore été arrêtées. Quatre experts ont ainsi été mandatés pour définir le cadre de cette future quatrième année d’internat (qui ne verrait le jour qu’en 2026), en concertation avec « les parties prenantes ».

Quentin Haroche

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Vos réactions (2)

  • Stupide

    Le 29 septembre 2022

    Je suis toujours étonné que les PUPH décident de la formation médicale alors qu’ils ne connaissent rien à l’activité des MG n’ayant jamais quitté les « jupes » des CHU et surtout que c’est eux qui font les cours à la fac .
    Lorsqu’ils étaient jeunes il ne fallait qu’une année après la sixième pour passer sa thèse et s’installer. Faut croire qu’avec le temps nos étudiants mettent plus de temps pour apprendre ou que l’enseignement n’est plus ce qu’il était.

    Dr W Melnick

  • Théorie et pratique

    Le 03 octobre 2022

    Avec 1 journée "pédagogique" par semaine, réellement 1 journée à la fac par mois quand j'étais interne, c'est bien la période de mes études où j'en ai appris le moins. S'ils veulent faire intégrer les jeunes installés de force à un groupe de pairs, pourquoi pas, mais là c'est juste l'"exploitanat" qui se poursuit ! Maintenant je ne préjuge pas des besoins de formation dans les autres spécialités, je ne connais que la mienne.
    S'il faut 4 années pour être un bon médecin généraliste, tous nos confrères devraient retourner à la fac pendant 1 à 3 ans de plus, avec des stages qui changent tous les 6 mois et qui sont aux 4 coins des anciennes régions. Promis, ces 3 années ne seront pas des années de punition (cf Dr Deroche). Sinon on peut s'éveiller au fait que l'exercice indépendant puisse être plus formateur que la faculté.

    Dr P Serveille

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