
En juin 2021, le Leem (Les Entreprises du médicament) saluait
les annonces du Président de la République visant à « renforcer
l’autonomie stratégique de notre pays en matière de médicaments
». Plus d’un an plus tard, la bonne entente entre l’exécutif et
l’industrie pharmaceutique semble être définitivement enterrée. Le
projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour
l’année 2023, présenté le 26 septembre dernier, qui prévoit
d’importantes économies dans le domaine du médicament, a fortement
déçu les industriels et ils ne s’en cachent pas.
Au total, selon les membres du G5 Santé (groupe qui rassemble
les huit plus grandes entreprises pharmaceutiques françaises
partageant 5 ambitions), c’est 1,1 milliard d’euros d’économie qui
vont être demandés à l’industrie pharmaceutique, dont 800 millions
d’euros de baisse de prix des médicaments. Les représentants de
l’industrie pharmaceutique s’inquiètent également de la
réévaluation de la clause de sauvegarde, qui permet de taxer
jusqu’à 70 % les revenus dépassant un certain seuil et qui pourrait
atteindre un montant total 2,4 milliards d’euros en 2023. Une
charge « insupportable et confiscatoire » pour Didier Véron,
président du G5 Santé.
Pas de concession du gouvernement sur la clause de sauvegarde
Pour Eric Ducournau, président de la société Pierre Fabre, ce
PLFSS ne prend pas en compte « la hausse des coûts liées à la
crise énergétique de 10 à 15 % » alors que la pharmacie «
est le seul secteur industriel ne pouvant recourir à des hausses de
prix ». « Avec l’inflation, pour certains produits, le coût
de revient industriel est supérieur au prix de vente » abonde
dans le même sens Didier Véron.
Au-delà des questions purement budgétaires, les représentants
de l’industrie du médicament regrettent que rien ne soit prévu pour
remédier aux lourdeurs administratives dénoncées par le secteur
depuis plusieurs années. Selon le G5 Santé, un tiers des
médicaments qui bénéficient d’une autorisation de mise sur le
marché (AMM) au niveau européen n’ont pas encore été intégrés au
marché français. Le délai moyen de définition des modalités de
remboursement d’un médicament est de 500 jours en France, alors que
l’Union Européenne demande de ne pas dépasser 180 jours.
Invité ce jeudi aux rencontres du G5 Santé organisé à Paris,
le ministre de la Santé François Braun a tenté de calmer la colère
des industriels. Sur la question de la clause de sauvegarde, le
ministre a assuré que le gouvernement ne céderait pas. Selon lui,
« il est équitable et nécessaire à l’équilibre de nos comptes
sociaux que les entreprises pharmaceutiques contribuent à hauteur
de leur dynamisme », rappelant que le taux de croissance de
l’industrie sur le marché français est de 6 %.
Une procédure d’appel d’offre qui passe mal
En revanche, le ministre a indiqué que le gouvernement était
prêt à lâcher du lest sur un point qui irrite particulièrement les
industriels : l’article 30 du PLFSS. Cette disposition prévoit de
mettre en place un système d’appel d’offres selon lequel, parmi les
médicaments de même cible thérapeutique, seul serait pris en charge
par l’Assurance maladie celui qui répond le mieux à des critères de
prix et de sécurité d’approvisionnement.
Selon le G5 Santé, qui s’appuie sur les conclusions d’un
rapport de l’Inspection Générale des affaires sociales (IGAS) de
2012, un tel dispositif aurait des effets pervers, en ce qu’il
inciterait les laboratoires à délocaliser la production de
médicaments génériques à l’étranger, mettant à mal l’indépendance
sanitaire de la France.
Déclarant avoir « entendu les inquiétudes des industriels
», François Braun a assuré qu’un amendement gouvernemental
serait déposé pour transformer cette procédure d’appel d’offres en
une « simple expérimentation » portant sur certains
médicaments seulement.
Création d’une contribution financière exceptionnelle pour les
médicaments à « forte croissance et à chiffre d’affaires élevé
» ou encore mise en place d’un paiement échelonné et
conditionné pour les thérapies innovantes couteuses : les points de
crispation sont nombreux autour du PLFSS. Pas sûr que cette
concession à la marge du gouvernement sur la procédure d’appel
d’offres n’apaise la colère des industriels et ne rétablisse leur
confiance envers l’exécutif.
Grégoire Griffard