
Paris, le jeudi 13 octobre 2022 – La révision des lois de
bioéthique a prévu la mise en place d’une commission destinée à
recueillir les demandes des personnes majeures nées d’un don de
gamètes et qui souhaiteraient pouvoir avoir des informations sur le
donneur. La commission a vu le jour il y a juste un mois, le 7
septembre.
Elle est composée d’un magistrat, de représentants des
ministères de la justice, des affaires sociales et de la santé, de
différentes personnalités du monde médical, de la sociologie ou du
droit, de membres d’associations et de nombreux agents
administratifs.
Stéphanie Kretowicz qui la préside avait expliqué il y a
quelques semaines dans la Croix les démarches réalisées par la
Commission pour chaque demande : « Nous contacterons le centre
de dons auquel les parents du demandeur ont eu recours, qui
regardera dans ses archives. Ensuite, la commission a des pouvoirs
d’investigation lui permettant d’avoir accès aux fichiers de
l’Insee ou à ceux de la Sécurité sociale pour identifier les
donneurs, les localiser et les contacter. À l’époque où ils ont
donné, l’anonymat étant la règle et la loi n’étant pas rétroactive,
ceux qui voudront garder un anonymat strict pourront le faire. Les
autres, ceux qui accepteront, devront transmettre à la commission
un formulaire de consentement. Une fois enregistrées, les données
seront transmises à l’Agence de la biomédecine pour constituer un
registre. Sous quelle forme seront-elles transmises au demandeur ?
Cela devra être précisé dans le cadre de la commission ».
Pas encore le temps (incertain) des retrouvailles
A ce jour, selon des données dévoilées par Stéphanie Kretowicz
hier, 170 personnes se sont rapprochées de la commission en
espérant avoir des informations identifiantes sur leur donneur.
Parallèlement, la commission a été contactée par 87 donneurs
désireux de transmettre les informations les concernant, pour le
cas où les enfants nés de leur don se manifesteraient.
Il n’existe cependant encore aucune donnée sur le nombre de
requêtes ayant abouti. En effet les obstacles peuvent être nombreux
: outre le refus du donneur (impossible pour les donneurs depuis le
1er septembre mais cela ne concernera des demandes que dans au
moins 18 ans !), la disparition du CECOS concerné ou encore le
décès de la personne empêcheront un éventuel rapprochement. « La
question sera de savoir comment accompagner ces déceptions »
avait d’ailleurs remarqué Stéphanie Kretowicz.
Combien de personnes concernées : un secret bien gardé !
Comment interpréter ces 170 demandes alors qu’en France on
estime que 70 000 personnes sont nées grâce à un don de sperme ou
d’ovocyte (mais toutes ne sont pas majeures) ? L’estimation du
nombre de personnes qui pourraient contacter la commission est
difficile à évaluer, les travaux sur le sujet n’étant pas
univoques. Stéphanie Kretowicz avait cité « une étude américaine
» qui aurait « montré que la moitié des adultes nés de dons
souhaite connaître ses origines ».
Les chiffres retrouvés dans la littérature sont en réalité
souvent plus bas, oscillant plutôt autour de 20 %. Des travaux
conduits en Suède, qui a été un pays pionnier dans l’accès à
l’identité des donneurs, avaient même retrouvé un chiffre encore
plus faible avec moins de 7 % de sujets ayant voulu avoir des
informations sur leur « parent » biologique.
Les commentaires avaient fait remarquer que la raison d’un
taux aussi faible résidait probablement en partie dans le fréquent
maintien d’un secret concernant les circonstances de la conception
des enfants nés grâce à la Procréation médicale assistée (PMA).
Cependant, ce que l’on constate également dans les quelques travaux
conduits sur le sujet c’est que la révélation tardive (et/ou
accidentelle) de ces circonstances semble favoriser le désir de
retrouver son donneur et qu’au contraire les enfants qui ont été
dès leur plus jeune âge avertis du recours à la PMA par leurs
parents seraient en moyenne moins souvent curieux de connaître «
leur » donneur.
Or, si dans les premières heures de la PMA, le secret était
fréquent (voire encouragé par certaines équipes), il est
aujourd’hui, à mesure que ces techniques ont pris une plus large
ampleur et concernent même désormais des couples de femmes (au sein
desquels le secret est bien plus complexe à garder !) plus rare et
en tout cas déconseillé par les praticiens.
Cependant, certains opposants à la levée de l’anonymat avaient
mis en garde contre un retour du secret si jamais il devenait plus
facile d’avoir des informations sur les donneurs (c’est ce que
décrivait en 2018 dans nos colonnes le professeur Wolf, directeur
du CECOS de l’hôpital Cochin à Paris). Ce qui alors pourrait
accroître les demandes auprès des commissions ad hoc en cas de
révélations tardives ou subites. Comme une forme de cercle
vicieux.
Aurélie Haroche