Le débat sur la quatrième année d’internat en MG s’invite au Parlement

Paris, le jeudi 13 octobre 2022 – La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a adopté l’article créant une quatrième année d’internat de médecine générale.

Après des débats « super intéressants », selon les termes de Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, les députés ont adopté l’article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Ce dernier, qui traduit une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, prévoit de créer une quatrième année d’internat de médecine générale, sous forme de stages effectués « en priorité » (et non pas obligatoirement) en zones sous-denses.

Pour la députée Renaissance Caroline Janvier, les débats ont permis de faire éclore un « consensus » et un « point d’équilibre ». En réalité, la discussion autour de ce projet très décrié a été vive et a fait apparaitre des visions diamétralement opposées de la médecine libérale selon les bords politiques.

L’article 23 du PLFSS a ainsi été vivement défendu par Thomas Mesnier (Horizons), urgentiste de profession, qui y voit « un des points les plus importants du PLFSS ». Pour lui, cette quatrième année d’internat sera notamment un moyen de renforcer les effectifs dans les déserts médicaux sans porter atteinte à la liberté d’installation à laquelle il est attaché. Quant à la rapporteuse du texte, la rhumatologue Stéphanie Rist (Renaissance), elle a tenu à rassurer les internes, rappelant que cette année de consolidation poursuivait avant tout une « visée pédagogique » et que le passage en zones sous-denses ne serait « pas obligatoire ».

La gauche divisée entre défense des internes et rejet de la liberté d’installation


Pas de quoi rassurer les internes de médecine générale, qui sont appelés par leurs syndicats représentatifs à la grève ce vendredi pour dire « non à la coercition ». Pas de quoi rassurer non plus plusieurs députés de la Nupes, qui voient dans cette réforme un moyen d’exploiter encore un peu plus les internes, déjà soumis à une forte charge de travail pour des salaires médiocres. « Je ne vois pas la plus-value en termes de formation, mais je comprends plutôt que cela permettrait de disposer d’un volant de main d’œuvre à répartir sur le territoire en piochant dans les étudiants » a lancé Pierre Dharéville (PCF).

Même son de cloche du côté du ténor de La France Insoumise (LFI) François Ruffin, qui estime que « la jeunesse ne doit pas être une variable d’ajustement ». Dans cette défense des jeunes médecins, les députés de gauche ont reçu un soutien de poids, celui de Paul-André Colombani. Lui-même généraliste, le député autonomiste corse considère que « les jeunes ne sont pas responsables des problèmes de répartition médicale, on ne peut pas leur faire payer la note ».

Mais l’opposition de gauche s’est finalement retrouvée très divisée sur la question. Car si certains veulent préserver la liberté des internes, d’autres considèrent que le texte du gouvernement ne va pas assez loin et demandent plus de coercition. Plusieurs députés membres d’un groupe transpartisan dirigé par le député PS Guillaume Garot, fervent défenseur de la contrainte à l’installation, ont ainsi regretté que les internes de 4ème année ne soient pas « obligatoirement » envoyés en zones sous-denses et ont critiqué la « mollesse » du gouvernement.

Un cavalier législatif ?


Les débats se sont également portés sur les conditions dans lesquelles se déroulera cette année de stage, notamment en termes de rémunération. Si Stéphanie Rist a rappelé qu’une mission interministérielle allait être lancée pour définir les contours de la réforme, plusieurs députés, y compris au sein de la majorité, ont regretté le manque de clarté du texte. Un amendement du député Modem Philippe Vigier prévoyant que les internes soient rémunérés à l’acte a finalement été rejeté par la commission.

Une autre question fondamentale aura plané sur les débats : cette quatrième année d’internat n’est-il pas un « cavalier législatif », sans rapport avec le budget de la Sécurité Sociale et qui risque donc d’être censuré par le Conseil Constitutionnel ? « Au prétexte du PLFSS, on s’immisce dans le contenu pédagogique des études de médecine, à quel titre ? » s’inquiète la députée LFI Ségolène Amiot. « Si demain, on manque de carrossiers dans la Creuse, est-ce que vous rallongeriez la formation des carrossiers ? » a ajouté l’élu (les internes de médecine générale apprécieront la comparaison…).

Thomas Mesnier lui-même a reconnu que « l’on pouvait débattre de la place de la mesure dans le PLFSS », ce qui n’a pas empêché les députés d’adopter l’article.

Rappelons que le 5 octobre dernier, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté une proposition de loi qui prévoit également de créer une quatrième année d’internat de médecine générale en zones sous-denses.

Quentin Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (6)

  • " Formation "

    Le 14 octobre 2022

    Au moins c'est clair ! " Zones sous denses, liberté d'installation, exploitation des internes, rémunération " , voilà les sujets des débats.
    Intérêt de la "formation" pour un étudiant en MG ? C'est la justification qu'on attendrait de parlementaires sinon honnêtes du moins compétents.
    Messieurs les parlementaires vous avez été nuls et malhonnêtes.

    Dr F Chassaing

  • Les exploités de la République

    Le 15 octobre 2022

    Contraindre la poursuite de la formation universitaire théorique et en stage s'appuie sur trop d'hypothèses équivoques : la formation continue externalisée ou personnelle sous aucun format ne ferait mieux ; la précarisation des médecins et de leur famille n'a aucun impact sur leur maintien dans le territoire et en vie ; 1 mois de formation théorique pour 11 mois de stage par année universitaire est un bon schéma ; ne pas payer les internes à leur hauteur de leur travail, de leur responsabilité et de leur expérience est moral.

    Dr P Serveille

    Dr PS

  • 4ème année

    Le 16 octobre 2022

    Quelle honte !! Ils travailleront certainement autant que les médecins installés pour un salaire minable!!! je vois déjà autour de mois des SASPAS faire des journées entières payés à peine 2 000 euros avec un Bac plus 9 !!!!! Le SASPAS est déjà censé leur apporter cette formation : pour preuve ils sont la plupart seuls. Pourquoi ne pas leur donner le statut de collaborateur ? Ils seraient payés dignement (si on peut dire cela même pour nous médecins installés) en tout cas comme un médecin installé.

    Dr P Lamoussiere

Voir toutes les réactions (6)

Réagir à cet article