Affaire le Scouarnec : l’Ordre peut-il décemment se porter partie civile ?

Paris, le mercredi 26 octobre 2022 – En décembre 2020, le docteur Joël Le Scouarnec a été condamné à quinze de réclusion criminelle par la cour d’assises de Saintes, reconnu coupable de viols et d’agressions sexuelles sur plusieurs mineurs. L’année prochaine, il sera jugé par la cour d’assises de Quimper : il devra répondre des accusations formulées contre lui par 312 personnes, pour des faits remontant de 1986 à 2014.

L’Ordre cherche-t-il à se rattraper ou à masquer ses manquements ?


Dans ce second volet, l’Ordre des médecins s’est porté partie civile. Ce positionnement de l’Ordre est fortement critiqué par le Mouvement d’insoumission des ordres professionnels (MIOP). Ce groupe, on le sait, conteste non seulement la légitimité des ordres professionnels mais plus encore leur orientation politique. Cependant, concernant l’affaire Le Scouarnec, le MIOP considère que la constitution de partie civile pourrait conduire à masquer les manquements de l’institution ordinale en la matière. En 2005, en effet, le praticien avait été condamné à quatre mois de prison pour détention d’images pornographiques. Le Conseil départemental du Finistère dont il dépendait avait demandé une copie du jugement et avait alors estimé que s’agissant d’un praticien hospitalier, l’affaire ne relevait pas de sa compétence.

Puis en 2008, tout en connaissant la condamnation du Dr Le Scouarnec, le conseil départemental de Charente-Maritime avait cependant accepté de l’inscrire à son tableau, sans émettre aucune réserve quant à la nécessité d’empêcher les contacts du médecin avec de jeunes patients.

Une argumentation trop détachée de la réalité ?


Pour se défendre de cette absence de réaction, l’Ordre des médecins a fait valoir qu’à l’époque des faits (la législation a ensuite évolué), il n’était pas compétent pour « rechercher une responsabilité disciplinaire envers les médecins hospitaliers ». Un raisonnement que le MIOP conteste et qui selon lui est mis en avant par l’Ordre pour le « dédouaner » de ses responsabilités.

En effet, selon l’association contestataire « les faits reprochés ayant été commis au domicile », l’Ordre aurait tout à fait pu et dû juger qu’ils étaient « détachables de la fonction de médecin hospitalier » et donc intervenir. Tout au plus, compte tenu de son absence de réaction à l’époque (et alors qu’une alerte avait été lancée par le Dr Bonvalot président de la CME de l’hôpital de Quimperlé), l’Ordre ne devrait pas pouvoir considérer légitimement qu’il est en position de se porter partie civile.

Un avant-goût de la position des juges


Ces arguments avaient été présentés une première fois au tribunal administratif de Paris en avril dernier afin que soit nommé un administrateur ad hoc pour représenter l’Ordre des médecins, mais le tribunal s’est jugé incompétent. Aussi, le tribunal judiciaire de Paris a été à son tour saisi : l’audience s’est tenue la semaine dernière et le délibéré sera rendu le 3 novembre. Sans doute, une décision favorable à l’intervention du MIOP serait une première forme de reconnaissance d’un défaut dans la gestion de cette affaire par l’Ordre des médecins. A suivre.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • L'Ordre serait plus à sa place...

    Le 28 octobre 2022

    ... sur le bac des accusés.

    Dr P Rimbaud

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