Grève des transmissions au SIDEP : passe d’armes entre les biologistes, le gouvernement et la CNAM

Paris, le vendredi 28 octobre 2022 - « Devant la surdité des pouvoirs publics sur les risques qu’un rabot de 250 millions d’euros chaque année jusqu’en 2026 ferait peser sur les laboratoires de biologie médicale », l’Alliance de la Biologie Médicale qui regroupe quatre syndicats de praticiens et les principaux groupes de laboratoires d'analyses a mis sa menace à exécution.

Depuis hier, « et jusqu’à nouvel ordre, la transmission des données de dépistage de la Covid 19 sur la plateforme SIDEP (système d’information de dépistage du covid-19) n’est plus effectuée ».

Cette décision « permettra de mettre en lumière le caractère fondamentalement hypocrite du projet gouvernemental : vouloir une biologie médicale au rabais a des conséquences sur l’efficacité du système de santé » estime le collectif. Les laboratoires poursuivent néanmoins leur mission de santé publique, en réalisant les tests à titre gracieux.  

Si l’Alliance de la Biologie Médicale a bien été reçue par les cabinets des ministres Attal, Braun et Firmin Le Bodo pour rappeler leur proposition alternative, soit une contribution exceptionnelle centrée sur leur suractivité due à la Covid, leur suggestion est restée lettre morte. Le 49.3 engagé par le gouvernement sur le PLFSS a ainsi validé l’intégralité du texte, dont le « coup de rabot » de 250 millions d’euros sur la biologie médicale. Cependant, contrairement à ce que semble penser l’ABM, cette baisse de tarif pourrait ne pas se poursuivre au cours des prochaines années.  

Dans un communiqué, l’Assurance maladie souligne « après discussion avec le secteur, cette baisse pourrait être répartie entre les actes de biologie courants (à hauteur de 200M€) et les tests Covid (à hauteur de 50M€). Le quantum des économies qui pourrait être appliqué les années suivantes n’a pas encore été discuté avec les représentants : il n’a ainsi donc pas été proposé par l’Assurance Maladie de faire 250 millions d’euros de baisses supplémentaires en 2024 et 2025 ».

Gabriel Attal assume et attaque


Mais avant ces horizons futurs, l’heure est à l’indignation gouvernementale. Cette grève du SIDEP « est inacceptable », a réagi Gabriel Attal, jeudi sur franceinfo. Le ministre des Comptes publics met en avant les gains liés au Covid pour ce secteur : « 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en plus grâce aux tests payés par la Sécurité sociale ».
Il « assume » ainsi de leur « demander un effort dans le budget de la Sécurité sociale de 250 millions d'euros en 2023 ».

Dans un courrier adressé aux laboratoires par Gabriel Attal et François Braun, les ministres jugent « inadmissible » cet « appel à la suspension de la transmission des données » et réaffirment « la nécessaire surveillance de l'épidémie ». Ils ajoutent compter « sur le sens de la déontologie » des directeurs de laboratoires pour « assurer la continuité de l'accès aux soins », ils estiment que « si cette mobilisation était suivie » cela « reviendrait à prendre en otage les patients ».

Dans un communiqué, l’Assurance Maladie dit « rejoindre » pleinement la réaction du Gouvernement.

L’Assurance Maladie souhaite également préciser « un certain nombre d’éléments concernant les informations communiquées par l’ABM sur les discussions engagées avec la profession visant à dégager des économies sur les dépenses de biologie ».

« Le secteur de la biologie médicale se caractérise par une rentabilité financière qui était déjà élevée avant la crise sanitaire (supérieure à 17 % entre 2016 et 2019) et qui s’est encore accrue depuis (entre 20 à 30 % en 2020 et 2021), du fait des tests liés au Covid (…) il est aujourd’hui naturel que des efforts sur les tarifs soient demandés à ce secteur : un premier objectif de baisse de 250 millions d’euros est donc prévu pour 2023 ».

Un projet qui fera mourir la biologie indépendante ?


Les Biologistes Indépendants, organisation qui ne fait pas partie de l’ABM mais qui s’est jointe à la grève a également réagi aux attaques du gouvernement et de la CNAM.

Le syndicat fustige « les leçons de morale de Monsieur le ministre Gabriel Attal » alors qu’aujourd’hui « les biologistes indépendants ne représentent plus que 35% de la biologie française alors qu’ils assurent un maillage territorial vital pour nos concitoyens. Ils sont l’incarnation, dans certains territoires, du dernier rempart contre la désertification médicale. Ils sont les fournisseurs de soins de proximité. Le gouvernement a-t-il décidé de nous tuer ? A-t-il décidé d’accélérer la financiarisation de la biologie médicale ? C’est pour défendre notre exercice et amener le gouvernement à dialoguer avec la profession que nous avons engagé les actions de blocage du SIDEP et que nous envisageons demain de fermer nos laboratoires et de nous mettre en grève si nous ne parvenons pas à un accord raisonnable ».

F.H.

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Vos réactions (1)

  • Sécurité Sociale ou Sécurité "Socialiste" ?

    Le 28 octobre 2022

    On note dans le récit de ce conflit l'apparition d'un acteur puissant, aux dirigeants non élus, et apparemment autorisé à avoir une opinion politique autonome, la Sécu. On note également une ressemblance troublante avec l’interventionnisme certes plus poussé du même genre d'organismes existant en Chine... Conclusion : donnez un monopole à une structure, elle aura tendance à en abuser.

    Maignan, Pharmacien

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