Grippe et Covid-19 : la France face au risque de la double épidémie

Paris, le vendredi 2 décembre 2022 – Tous les indicateurs épidémiques de la grippe et de la Covid-19 sont en hausse, tandis que les Français les plus âgés semblent peu enclin à se faire vacciner.
L’accalmie aura été de courte durée.

Après quelques semaines de stagnation après la fin de la 8ème vague, les contaminations par le Sars-CoV-2 9 sont repartis à la hausse depuis quatre semaines. En ce début de mois de décembre, la France est bien ancrée dans la 9ème vague. On compte 53 000 contaminations par jour en moyenne hebdomadaire (autant qu’au pic de la 8ème vague début octobre), près de 20 000 personnes Covid-19 positifs hospitalisées (+ 9 % en deux semaines) tandis que la barre des 1 000 patients en soins critiques a de nouveau été franchie (+ 17 % en trois semaines). Les décès sont également repartis à la hausse avec plus de 400 morts la semaine dernière.

Olivier Véran reprend du service


La situation est d’autant plus inquiétante qu’une autre épidémie menace nos services hospitaliers déjà fragilisés par deux ans de pandémie, celle de grippe saisonnière. Selon le dernier bulletin épidémiologique de Santé Publique France, tous les indicateurs sont en hausse et l’épidémie risque d’être plus précoce que les années précédentes. Deux régions sont déjà en phase épidémique (Bretagne et Normandie) tandis que le reste de la métropole est en phase pré-épidémique.

Depuis quelques jours, le gouvernement multiplie les appels à destination des personnes à risque (sujets âgés ou souffrant de comorbidités) à se faire vacciner contre ces deux virus. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a même semblé reprendre ses habits de ministre de la Santé ce jeudi. « Je m’adresse aux Français : si vous avez plus de 60 ans, si vous êtes porteur de maladie ou si vous êtes en contact au quotidien avec des gens fragiles ou âgés, faites vous vacciner contre la Covid si vous n’êtes pas à jour de votre rappel » a déclaré celui qui a géré la crise sanitaire durant deux ans.

Des appels qui, pour le moment, semblent sonner dans le vide. Toujours selon Santé Publique France, seulement 21 % des plus de 80 ans sont à jour de leur rappel vaccinal contre la Covid-19 (un rappel tous les 3 mois) et 37 % des 60-79 ans (un rappel tous les 6 mois). S’agissant de la grippe, la vaccination est en baisse de 13 % par rapport à l’an dernier à la même période.

62 % des plus de 50 ans vaccinés…au Royaume-Uni


Les vaccins bivalents, spécialement adaptés aux variants Omicron, n’ont pas fait le plein. Depuis leur arrivée dans les pharmacies françaises le 3 octobre dernier, seulement 1,4 millions de doses ont été écoulés, qui ont profité à 9,4 % des plus de 80 ans et 7,2 % des 60-79 ans. Selon une étude du groupe de pharmaco-épidémiologie EPI-PHARE, ces vaccins bivalents ont été essentiellement administrés aux personnes les plus âgés…mais aussi les plus aisés, mieux informés de l’existence de ces nouveaux vaccins.

Après deux années de campagne de vaccination ininterrompue, les Français semblent frapper par la fatigue vaccinale. « Les gens ne veulent plus se faire piquer, ils oublient un peu que la Covid existe » commente un pharmacien interrogé par Le Parisien. « Les patients ne comprennent pas trop l’intérêt d’une dose supplémentaire, ils se trouvent suffisamment vaccinés, d’autant que les infos traitent d’autre chose » explique un autre. Certains estiment que le gouvernement ne communique pas assez sur le sujet. Au Royaume-Uni, chaque personne éligible à une nouvelle dose reçoit un courrier officiel l’invitant à se faire vacciner. Résultat, 62 % des Britanniques plus de 50 ans ont été immunisés cet automne.

Si les appels à la prudence et à la responsabilité ne fonctionnent pas, le gouvernement renouera-t-il avec des méthodes plus coercitives ? Selon les journalistes de RMC, l’exécutif aurait saisi le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) pour lui demander de plancher sur un éventuel retour de l’obligation de porter le masque dans les transports en commun. Une obligation abandonnée au mois de mai dernier.

Le retour à l’(a)normal est peut-être pour bientôt.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Impact des co-viralités épidémiques sur la pandémie en cours

    Le 04 décembre 2022

    Peu de travaux ont étudiés à une grande échelle l’incidence et l’impact des co-viralités durant la pandémie en cours.
    Une étude prospective anglaise a été menée (Fev 2020-Dec 2021) chez 6 965 adultes admis pour Covid, une co-infection virale est détectée chez 583 (8,4%) d’entre eux :
    • 227 grippes
    • 220 VRS
    • 136 adénovirus
    Par rapport à la majorité mono-infectée :
    • Co-infection grippale : majore le risque de recours à la ventilation mécanique
    • Co-infection grippale ou VRS : majore le risque de décès hospitalier
    Une co-circulation épidémique grippe-SARS-CoV-2 était redoutée lors des deux dernières saisons hivernales de la pandémie :
    • Saison 2020-2021, pas de circulation grippale active : application des gestes barrière-masques–mains avec une diminution spectaculaire des grippes, gastro-entérites et bronchiolites.
    Faut-il vraiment avoir une ou des cautions scientifiques pour rendre à nouveau ces mesures obligatoires dans les transports ? L’académie de médecine s’est déjà exprimée** (2-8/11) et l’appel à la responsabilité individuelle peut avoir des limites vite atteintes. L’impact logistique de l’épidémie de bronchiolite ne peut être qu’un argument supplémentaire en faveur de l’obligation.
    • Saison 2021-2022, retour de la grippe sur 9 semaines avec un pic tardif (avril 2022), une adhésion vaccinale antigrippale supérieure à ce qu’elle est actuellement.
    Les gros trous dans les raquettes vaccinales après 60 ans et/ou comorbidités seront difficiles à combler.
    Un contact personnalisé de cette population pourrait être fait par l’assurance maladie pour le second rappel (bivalent) SARS-CoV-2 sur le modèle, peu suivi cette année, de ce qui est fait pour la grippe.
    Pas sûr que la reconduction éventuelle des grèves (biologistes et médecins libéraux) facilite la gestion et le suivi épidémiologique. Un fardeau hospitalier supplémentaire prévisible.
    Bienfaits des Nième mêmes mouvements sociaux dans les transports… ?

    *Swets MC et coll. SARS-CoV-2 co-infection with influenza viruses, respiratory syncytial virus, or adenoviruses. Lancet. 2022 Apr 16;399(10334):1463-1464. doi: 10.1016/S0140-6736(22)00383-X
    **https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2022/11/Communique-masques-PCRA-02-11-2022.pdf
    ** https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2022/11/22.11.8-Covid-et-grippe.pdf

    Dr JP Bonnet

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