La 2ème journée de mobilisation des médecins libéraux a-t-elle été un succès ?
Paris, le vendredi 2 décembre 2022 – La grève historique des
médecins libéraux se poursuit ce vendredi, au lendemain de la
manifestation de ce jeudi.
Ils étaient environ un millier de blouses blanches rassemblés
jeudi après-midi devant le ministère de la Santé à Paris pour
exprimer leur colère face à la dégradation des conditions de
travail des médecins libéraux. « Ce n’est plus de mon âge de
manifester mais si on ne met pas le holà à la destruction de la
médecine libérale, on va droit dans le mur » commente dans la
foule le Dr Jean-Paul Hamon. L’ancien président de la FMF porte une
banderole « Médecins méprisés, j’ai mal à ma vocation »
alors que la manifestation se poursuit dans une ambiance bon
enfant.
Ces jeudi et vendredi, les 110 000 praticiens libéraux étaient
appelés à fermer leurs cabinets libéraux et à se mettre en grève,
une manifestation qualifiée par beaucoup d’historique. Lancé
initialement par le collectif créé sur Internet « Médecins pour
demain », le mouvement a ensuite été repris par l’ensemble des
syndicats de médecins libéraux, une unanimité jamais vu depuis les
manifestations contre la loi Touraine en 2015.
Un mouvement d’ampleur encore indéterminée
Difficile de déterminer pour le moment l’ampleur du mouvement,
les chiffres variant selon les syndicats et les régions. Le
collectif Médecins pour demain évoque 60 à 80 % de cabinets fermés,
la CSMF 80 % et l’UFML 75 %. Une mobilisation d’autant plus
difficile à déterminer que certains cabinets se sont déclarés
grévistes tout en restant ouvert pour assurer la continuité des
soins. Certains services d’urgence, maisons de santé et centres
d’appels du 15 ont noté une hausse de l’activité, mais rien
d’insurmontable selon les premières remontées de terrain. Selon le
directeur de l’Assurance Maladie Thomas Fatôme, il faudra attendre
les données de remboursement pour « mesurer la réalité du
mouvement ».
La principale revendication des grévistes et des manifestants
est la revalorisation du tarif de la consultation, la plupart des
syndicats demandant de fixer le C à 50 euros (à l’exception notable
de la CSMF qui se contenterait de 30 euros), alors même que les
négociations conventionnelles avec la CNAM ont démarré depuis un
mois.
« Cette revalorisation nous permettra d’embaucher un
secrétaire pour gérer les patients, les papiers » explique dans
le cortège de manifestants une généraliste. Beaucoup de
manifestants se plaignent de la surcharge administrative et
demandent qu’on leur libère du temps médical, afin de pouvoir
s’occuper de plus de patients. Dans le cortège, on note également
des revendications relatives à la lutte contre l’accès direct aux
professions paramédicales et à la défense de la liberté
d’installation.
La consultation à 50 euros, impossible financièrement selon
l’Assurance Maladie
Notons tout de même que le mouvement ne fait pas l’unanimité
chez les médecins libéraux. Mardi dernier, le syndicat national des
jeunes médecins généralistes (SNJMG) s’est désolidarisé de la
grève, estimant que « se concentrer sur l’augmentation du tarif
de la consultation au détriment des autres revendications nous
semble aller contre l’intérêt des patients et de l’accès aux soins
pour tous ». Dans les cabinets restés ouverts, certains
médecins se disent « gênés à l’idée de faire grève alors qu’il y
a plus malheureux que nous dans nos patientèles ».
Pour le moment, le ministère de la santé s’est contenté d’une
réaction très diplomatique, indiquant être « particulièrement
attentif à ce que la continuité des soins soit assurée » et
s’être donné comme « priorité de soutenir la médecine libérale
et de redonner du temps médical à ces professionnels ». Mais
Thomas Fatôme a rappelé sa position selon laquelle faire passer le
prix de la consultation à 50 euros n’était pas tenable
financièrement parlant, évoquant un surcout de 7 milliards d’euros
annuel.
Qu’à cela ne tienne, le mouvement « Médecins pour demain
» envisage déjà d’appeler à une grève illimitée à compter du 26
décembre. « Le mouvement ne fait que commencer » assure le
Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine
libre.
Grève historique ? Surtout un "remake" du début des années 2000. Une fois encore la profession se mobilise collectivement et massivement (la quasi totalité des syndicats médicaux sont partie prenante) pour le seul thème qui fait consensus : les sous ! On se souviendra qu'en 2000 la grève permettra l'augmentation du tarif de la consultation, mais surtout accouchera de la suppression de la garde obligatoire, élément constitutif de la profession. Et voilà comment le service médical à la population s'en est trouvé gravement perturbé. Ainsi une moindre disponibilité illustrée par une tendance à travailler quasi exclusivement sur rendez-vous, une raréfaction des visites, un volontariat pour les urgences squelettique ont entrainé une déshérence des soins non programmés, une discontinuité dans les soins, une quasi impossibilité à assurer des soins palliatifs à domicile et au bout du compte l'explosion des services d'urgences à l'hôpital. L'organisation de l'im-permanence des soins, le recours à l'informatique et aux télé-consultations n'y font rien et ne n'y feront rien. Les récriminations éternelles des syndicats, le conseil de l'ordre qui n'a jamais aussi bien porté son nom récoltent ce qu'ils ont semé : la perte d'intérêt pour une profession magnifique et surtout l'incapacité à s'organiser collectivement pour offrir à la population un service digne de la profession. L'acharnement à défendre un libéralisme obtus où l'individualisme, la concurrence, la hiérarchie perdurent ne permet pas d'espérer de cette nouvelle grève.