Euthanasie : quand la Belgique s’interroge sur certaines de ses règles
Paris, le lundi 12 décembre 2022 – Alors que la France a une
nouvelle fois lancé une concertation politique et publique sur la
question de l’accompagnement de la fin de vie, la Belgique
pionnière dans la mise en œuvre d’une loi légalisant l’euthanasie,
s’interroge sur certaines de ses règles et notamment sur la
question de l’anonymat des déclarations. Nous vous proposons de
lire sur ce sujet cet article publié sur le site d’information
médicale belge, Mediquality.
Le rapport de contrôle de la loi pour 2021 confirme le cancer
comme source des deux tiers des demandes. Mais la Cour européenne
des droits de l'homme a récemment condamné la Belgique pour «
l’apparence d’absence d’indépendance de la commission de contrôle
». Comment y remédier ? Mediquality a interrogé Jacqueline
Herremans, présidente de l’ADMD.
Ce jeudi est publié le nouveau rapport de la Commission
fédérale de contrôle et d'évaluation de la loi relative à
l'euthanasie. S'il signale des évolutions, celles-ci apparaissent
généralement conformes aux constats posés ces dernières années :
davantage d'euthanasies à la maison et écrasante primauté du cancer
comme cause de la demande (63%).
Et un nombre de démarches qui atteint en 2021 à nouveau le
niveau de 2019, après une baisse notable en 2020. Cette baisse
correspond aux mois pendant lesquels les mesures de confinement ont
été prises, avec comme conséquences l'absence de visite des
médecins à domicile ainsi que l'impossibilité pour les patients de
se rendre au cabinet de leur généraliste.
Mais le rapport est aussi le moment de revenir sur le jugement de
la Cour européenne des droits de l'homme rendu en octobre. Sur base
d'une plainte d'un membre de la famille d'un patient ayant
bénéficié de la loi, la Cour valide la loi belge relative à
l'euthanasie en ses principes ainsi que le cas d'espèce. En
revanche, l'État belge est condamné pour une procédure trop longue
et pour « l'apparence d'absence d'indépendance de la Commission
» fédérale de contrôle et d'évaluation de la loi relative à
l'euthanasie (CFCEE). En cause, l'anonymat des déclarations.
MediQuality a interrogé Jacqueline Herremans, présidente de l'ADMD
(Association pour le droit de mourir dans la dignité) et membre de
la CFCEE.
Comment modifier la loi pour pallier ce reproche ?
Jacqueline Herremans : Il faut souligner que la CEDH ne conteste ni
le principe du contrôle a posteriori, ni la composition de la
CFCEE. En revanche, compte tenu "du rôle crucial joué par la
Commission dans le contrôle a posteriori de l'euthanasie, la Cour
estime que "le système de contrôle établi en l'espèce n'assurait
pas son indépendance, et cela indépendamment de l'influence réelle
qu'a éventuellement eue le professeur D. sur la décision prise par
la Commission en l'espèce". C'est à l'Etat belge de mettre en
application les mesures qui permettront d'asseoir l'indépendance de
la Commission. Selon moi, la solution qui paraît la plus évidente
est de faire sauter l'anonymat prévu par le législateur en
2002.
C'était une mauvaise idée, cet anonymat ? Pourtant, il
protège les médecins.
Il n'y a plus de raison de maintenir cet anonymat, certes demandé
par certains médecins à l'époque des débats parlementaires pour
éviter d'être pointé du doigt comme étant "le médecin qui pratique
des euthanasies". Mais aujourd'hui, il n'y a plus de risque d'être
stigmatisé comme « le seul médecin du village à pratiquer
l'euthanasie ». Un décès sur 50 se fait en recourant à la loi,
il y a une grande adhésion par rapport aux valeurs et aux principes
défendus par la loi. Rappelons que la loi est une loi de liberté et
qu'elle autorise le respect de la volonté du patient, dans son
unicité et sa personnalité, sans rien imposer à quiconque.
Et cette levée de l'anonymat de la déclaration ne
signifiera-t-elle pas un risque de divulgation des noms
?
Pas du tout. La Commission restera évidemment toujours tenue
au respect du secret professionnel. Pas question par exemple de
divulguer ni les noms des patients, ni les noms des médecins. Quoi
qu'il en soit, déjà aujourd'hui, même lorsque l'on doit ouvrir le
volet I, le nom du médecin n'est pas pour autant dévoilé. Il
importe de souligner qu'aux Pays-Bas, cette règle de l'anonymat
n'existe pas pour les déclarations.
Les avis et rapports ne mentionnent nullement les noms des
médecins. Lever l'anonymat mettrait également un terme aux
discussions concernant le fait que des déclarations proviennent de
médecins siégeant à la Commission. C'est en ce sens que s'est
exprimée la CFCEE en son communiqué de presse du 14 octobre: "La
Commission est d'avis que ceci implique que le document
d'enregistrement sur la base duquel elle vérifie si l'euthanasie a
été effectuée selon les conditions et la procédure prévues par la
loi contienne l'identité des médecins concernés, à savoir le
médecin qui a pratiqué l'euthanasie et le ou les médecin(s) qui a
(ont) été préalablement consulté(s). La Commission estime que seule
une levée de l'anonymat permettrait qu'il soit remédié au problème
constaté par la Cour".
Cet article a d'abord été publié sur MediQuality le
8/12/2022
Certes l'euthanasie d'un agonisant (qui aurait sûrement préféré ne pas mourir), c'est-à-dire la prise en charge médicale de sa mort, repose sur une équipe clinique. Mais pourquoi l'assistance au suicide, quelle que soit la motivation de demandeurs qui ne sont pas mourants, reposerait-elle sur un médecin ? Un avis psychiatrique est nécessaire, mais l'acte qui provoque le décès est la seule décision d'un patient qui n'a besoin pour cela que d'une structure technique anonyme. Si le demandeur est pleinement lucide, pourquoi faudrait-il qu'il dépende de l'autorisation inepte d'une "commission" pour avoir le droit de se suicider ?