Suspension des soignants non-vaccinés : stop ou encore ?

Paris, le jeudi 9 février 2022 – La HAS doit actualiser en mars prochain ses recommandations sur l’obligation vaccinale des soignants contre la Covid-19.

C’est une question qui revient régulièrement dans le débat public : faut-il mettre fin à l’obligation vaccinale contre la Covid-19 des soignants, en vigueur depuis septembre 2021 et réintégrer ces soignants suspendus ? La question va revenir sur le devant de la scène en mars prochain, lorsque la Haute Autorité de Santé (HAS) va réactualiser ses recommandations sur la question.

L’institution a été saisie en novembre dernier par le ministre de la Santé François Braun d’une mission plus large sur la question des obligations vaccinales qui concernent les soignants. La HAS ne devra donc pas seulement se prononcer sur l’obligation de la vaccination contre la Covid-19 mais aussi sur « la pertinence de modifier les obligations vaccinales en vigueur concernant la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et l’hépatite B ».

Mais c’est évidemment sur la question du maintien de l’obligation de la vaccination contre la Covid-19 « au regard de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques » que se porteront tous les regards. La HAS devra notamment étudier « l’impact des différentes mesures possibles (suspension ou maintien de l’obligation vaccinale) sur la couverture vaccinale, l’incidence des infections contractées par les professionnels dans l’exercice de leur travail et chez les personnes dont elles ont la charge ».

Un débat pas uniquement scientifique

A ce titre, la HAS va « organiser une consultation publique soumettant aux parties prenantes son projet de recommandation », qui aura lieu du 17 février au 3 mars, afin de « recueillir le plus largement possible l’avis des principaux acteurs concernés par le sujet ». A noter que François Braun a également saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour un avis sur le sujet, signe que la question est presque autant éthique que scientifique.

Si le gouvernement n’a pas caché sa réticence à l’idée de mettre fin à l’obligation vaccinale, la réintégration des soignants suspendus est en revanche ardemment défendue à l’Assemblée Nationale par les députés Nupes et RN. Plusieurs propositions de loi en ce sens ont été déposées, dont une qui a donné lieu à des débats houleux dans l’hémicycle lors de la niche parlementaire du groupe LFI le 24 novembre dernier.

Les données du débat sont désormais bien connues. D’un côté, les partisans de l’obligation vaccinale soulignent que le vaccin permet de réduire la transmission de la maladie, que le nombre de soignants suspendus est si faible que leur réintégration ne changera rien à la pénurie de personnel dans les hôpitaux et que leur refus de se faire vacciner est une faute déontologique impardonnable. De l'autre, ceux qui militent en faveur de la réintégration des soignants suspendus soutiennent que l’efficacité du vaccin contre la transmission du virus est faible, que l’hôpital public, en grande difficulté, a besoin de chaque bras disponible et que le variant Omicron a fortement réduit la gravité de l’épidémie.

Bientôt le retour de la vaccination obligatoire contre la grippe ?

Au-delà de ces débats qui sont bien souvent plus politique que scientifiques, la question divise également les médecins. Si l’Académie de Médecine s’est à plusieurs reprises prononcé en faveur de l’obligation vaccinale, d’autres praticiens sont plus circonspects, tel le Pr Djilali Annane, chef du service de réanimation à l’hôpital Raymond Poincaré à Garches, qui estime que « continuer de stigmatiser la poignée de soignants qui refusent de se faire vacciner ne tient plus la route d’un point de vue médical ». En novembre dernier, nos lecteurs s’étaient prononcés à une courte majorité (52 %) pour le maintien de l’obligation vaccinale. Notons à ce titre que à la suite des revirements récents de l’Italie et de la Grèce sur la question, la France est désormais le seul pays européen à ne pas avoir réintégré ses soignants non-vaccinés.

La HAS devra rendre une autre série de recommandations sur les obligations vaccinales des soignants en juillet, qui portera notamment sur la question de l’obligation de se faire vacciner contre la grippe, abandonnée en 2006. Non seulement la HAS pourrait donc ne pas supprimer l’obligation de se vacciner contre la Covid-19, mais elle pourrait rendre de nouveau le vaccin contre la grippe obligatoire, au grand dam des antivaccins.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (17)

  • Obligations vaccinales

    Le 09 février 2023

    Le bénéfice de la vaccination des soignants contre le Covid pour leurs patients n’est pas démontré. Aujourd'hui les soignants n’ont généralement pas fait de rappel depuis plus d’un an et ne sont donc plus à jour de ce traitement que l’on peine à nommer encore "vaccin" tant il coche peu les cases de ce qu’on attend généralement d’une vaccination (protection durable contre la maladie et sa transmission, inhibition épidémique).
    Quant à une obligation vaccinale contre la grippe, la pertinence d’une telle mesure devrait être appréciée par chacun d’entre nous après avoir lu la revue Cochrane de la littérature sur l’efficacité des campagnes de vaccination anti grippe (c'est même disponible en Français maintenant).
    Il est temps de revenir à de la médecine, à de la science, et d’arrêter de se raccrocher à des gri-gris contraphobiques.
    J’avoue d’ailleurs honteusement avoir longtemps cru que la vaccination anti grippale des sujets âgés était assez efficace pour éviter des hospitalisations et des morts, et que depuis le temps, on avait pu le démontrer.

    Dr Olivier de Soyres (réanimateur)

  • La Controverse de Valladolid

    Le 10 février 2023

    Cette question de la réintégration des soignants non vaccinés est proprement hallucinante. Pendant trois ans, dans ce pays, j’ai cru vivre la reprise de la Controverse de Valladolid 500 ans plus tard, avec la question lancinante : "les non-vaccinés ont-ils une âme, doit-on les considérer comme des êtres humains à part entière ?". Leur réintégration n’a pas vocation à combler le déficit de personnel soignant. Elle est là pour permettre à des gens de vivre leur métier, leur vocation dans la dignité. Ce statut de suspendu est proprement inhumain. Je crois qu’aujourd’hui la cause est entendue. Ce vaccin n’est pas la huitième merveille du monde comme on nous l’avait promis, peu ou pas efficace avec probablement beaucoup d’effets secondaires. A postériori, il était donc assez logique de le refuser. Ce choix ne relevait absolument pas de l’anti science, mais du bon sens ; et surtout il était dénué de peur. Aujourd'hui, si ces gens ne sont pas réintégrés, c’est essentiellement du fait du prince qui a décidé de les emmerder jusqu’au bout et non pas pour des raisons scientifiques ou un pseudo scientisme comme on veut nous le faire croire. Nous restons le dernier pays au monde à ne pas avoir réintégré nos soignants non vaccinés, nous avons donc très certainement les meilleurs scientifiques du monde à l'HAS !

    Dr V Bentolila

  • Cohérence

    Le 10 février 2023

    "Au grand dam des antivaccins."
    Serait-il juste possible de cesser de réduire les gens à des catégories aussi binaires ? C'est relativement insultant et réducteur à leur égard.
    Si la France ne connaît que la pédagogie autoritariste et contraignante, car elle oublie que les principes premiers de la santé publique consistent en un aller-vers les populations vulnérables, et un respect du consentement de chacun, et aussi susciter l'acceptation par une (véritable) pédagogie, l'explication des bénéfices risques (les vrais, pas les terreurs induites basées sur du vent destinées à extorquer du consentement par la peur), c'est qu'elle est tombé bien bas sur le plan de l'éthique, effectivement au centre du problème, et de la probité intellectuelle allant avec.
    En ce qui me concerne, ayant été vacciné deux fois adolescent contre la grippe, je l'ai attrapée sévèrement la deuxième année de vaccination. J'ai donc décidé de faire sans car les bénéfices n'ont pas été supérieurs aux risques. Je ne m'en porte pas plus mal, une bonne grippe tous les dix ans sans conséquence.
    Et combien ai-je entendu de témoignages de patients m'ayant fait état de réactions au vaccin antigrippal bien pires qu'une grippe avérée (15 jours de réa pour un vaccin, bof).
    Après la crise de la grippe A, 5 ans après nous recevions des notes de la Sécu notifiant qu'il y avait une baisse de l'adhésion des plus de 65 ans à la vaccination antigrippale. Ça n'a généré qu'une plus grande défiance à une prévention qui marchait plutôt bien.
    Là on veut maintenir une obligation vaccinale alors que les soignants qui ne font plus de rappel sont maintenus en place, que les vaccins semblent ne pas être à la hauteur de la promesse, puisque qu'ils ne préviennent aucune transmission.
    Je n'ose poser la question que personne ne pose, des faux vaccinés. Je sais pourtant qu'il y en a chez les soignants. Comment croire seulement à quelque chose de cohérent dans l'analyse d'une situation aussi confuse ?
    Et aussi comme si hors vaccination les soignants n'avaient jamais appris à gérer du risque septique et infectieux (qui veut seulement croire qu'une aide soignante qui travaille 8h par jour en faisant face à des risques infectieux et non des moindres, ne soit pas capable d'assumer ceux-ci même sans vaccin, et aurait envie de ramener des sales maladies chez elle ?).
    Pour finir juste cette anecdote qui m'est arrivée fin 2022. Dans une agence bancaire, pour entrer on me demande de mettre un masque (l'obligation était levée depuis plusieurs semaines, c'était donc un truc de l'établissement). N'en ayant pas, me voilà obligé de rester dans l'entrée. Soit.
    Et l'employée présente me demande ma carte d'identité. Je la lui ai donnée, sans me laver les mains, ni passer de gel hydro-alcoolique, elle l'a prise de ses mains sans faire ce geste non plus, a tapé sur le clavier de son ordinateur, et m'a rendu ma carte d'identité.
    Bref, elle a contaminé joyeusement son clavier qu'elle partage avec ses collègues pour me rendre ma carte avec ses germes et ceux de ses collègues.
    Heureusement que je n'ai pas peur de ce qui est en fait naturel, mais sanitairement son obligation de port du masque était juste un rituel magique contraphobique et les mesures barrières efficaces inexistantes.
    Ce qui montre bien que peut-être avant que de penser à contraindre les gens pour leur bien, faudrait-il s'investir à les éduquer vraiment, en fait.
    Et je n'aborde même pas le statut juridique de la suspension. Si l'obligation de vaccination doit être de mise pour les soignants, alors qu'on les licencie... Ah m...., faut payer leurs indemnités de chômage, c'est vrai !

    L Saint-Martin, IDE

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