
Paris, le samedi 8 avril 2023 – A l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, dimanche 2 avril, le Président de la République, a communiqué, notamment sur les réseaux sociaux, pour défendre le bilan de son gouvernement, en ce qui concerne l’amélioration de la détection et de la prise en charge des troubles du spectre autistique. Ce satisfecit contraste singulièrement avec la déception des associations. Ainsi, Christine Gintz, secrétaire générale du Rassemblent pour une approche des autismes humaniste et plurielle (RAAHP), mère d’un enfant souffrant d’autisme, lance dans une lettre ouverte au Président de la République (et aux anciens candidats à l’élection présidentielle) un véritable appel au secours, que nous relayons aujourd’hui dans nos colonnes.
Par Christine Gintz, secrétaire générale du RAAHP
En janvier 2022, pendant quelques jours, vous avez tous semblé prendre vraiment à cœur le sort des personnes handicapées. Nous vous avions alors invités à transformer vos discours en actes et à trouver une solution adaptée pour les milliers d’enfants qui ne peuvent être scolarisés par manque d’AESH, pour les 8000 familles contraintes d’exiler leur enfant en Belgique faute de places en France et pour les milliers d’adultes handicapés très dépendants pour lesquels l’inclusion en milieu ordinaire n'est pas envisageable.
C’était il a plus d’un an. Aujourd’hui, à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme nous vous posons la question : qu’avez-vous fait pour nous depuis tout ce temps ? Monsieur le Président, des milliers de familles sans solution sont toujours réduites au désespoir. Mesdames, Messieurs les anciens candidats, quelles propositions de lois avez-vous déposé à l’Assemblée ou au Sénat pour régler enfin le scandale du manque de places adaptées et d’accompagnants formés pour les plus vulnérables de vos concitoyens ?
Cette lettre est avant tout un appel au secours :
comme de très nombreuses personnes dans notre pays, en tant que mère d’un jeune adulte autiste, je me trouve dans une impasse angoissante, celle de vieillir et de n’avoir aucune solution institutionnelle pour mon fils qui lui garantisse un lieu de vie stable lorsque je ne serai plus en mesure de tout assurer pour lui. Mon problème personnel est aussi celui du devenir de toutes les personnes autistes adultes très dépendantes, c’est-à-dire celles dont les difficultés nécessitent un accompagnement jour et nuit, et une aide pour tous les gestes de la vie quotidienne.
Certes la politique actuelle vise à la désinstitutionnalisation et encourage l’habitat inclusif, auquel serait associée une plateforme de services compensateurs du handicap. Cette solution est excellente pour les personnes qui présentent un certain degré d’autonomie et une capacité à choisir et à exprimer leurs choix, mais elle laisse de côté tous les autres, ceux qui ne peuvent sortir seuls dans la rue sans courir le risque de se perdre ou de se faire écraser par la première voiture qui passe.
Car la plateforme de services, compensatrice de son handicap, c’est ce que nous vivons personnellement, avec mon fils, depuis 2011. Elle implique que nous ayons une entière disponibilité pour soutenir les salariés dans leur travail, afin qu’ils demeurent motivés, que nous remplacions au pied levé toutes les absences (arrêts maladie, congés, démissions, grèves, retards), que nous assurions les accompagnements chez les professionnels des soins, toujours soucieux de parler aux parents. Nous devons sans cesse chercher de nouvelles idées pour l’intéresser lui, autant que l’équipe qui se relaye auprès de lui. Tout cela est très lourd. Jusqu’à quand pourrons-nous le faire ? En outre, une vie dans laquelle les principales relations sociales n’ont lieu qu’avec des salariés, ne peut être qualifiée d’inclusive. Il est important d’avoir des camarades et des activités avec eux.
Nous avions cru voir le bout du tunnel lorsqu’on nous avait annoncé que notre fils allait enfin avoir sa place grâce à une extension d’une maison d’accueil spécialisée. C’était il y a 2 ans. Mais nous avons alors découvert un autre problème : l’établissement est construit et meublé, le financement de son fonctionnement est assuré, tout est prêt mais le directeur ne trouve aucun candidat à l’emploi, quelle que soit la qualification demandée, de la femme de ménage au psychiatre.
Nous avons appris entretemps que la plupart des établissements médico-sociaux sont confrontés aux mêmes difficultés de recrutement depuis la crise du covid. Certains, qui existent pourtant depuis longtemps, sont contraints de demander aux familles qui le peuvent de reprendre quelques semaines leur enfant à la maison afin d’alléger la charge de travail d’équipes débordées.
Monsieur le Président de la République, trouvez-vous normal qu’avec près de trois millions de chômeurs indemnisés les employeurs du médico-social, comme d’autres secteurs importants, ne trouvent personne pour venir travailler ?
Mesdames et Messieurs les anciens candidats que proposez-vous de concret et de réaliste pour résoudre ce problème, dramatique pour les familles dans ma situation, mais également catastrophique pour le bon équilibre de notre pays ?
Pour nous, en attendant que vous vous penchiez sur cette question vitale, l’heure tourne, l’âge avance et les portes restent closes.