
Paris, le mardi 11 avril 2023 – Les médecins s’inquiètent de l’utilisation détournée de la Periactine, un antihistaminique utilisé par des jeunes femmes pour obtenir…de grosses fesses.
Il y a deux mois, médecins et pharmaciens avaient tiré la sonnette d’alarme sur l’utilisation détournée d’Ozempic, un médicament contre le diabète de type 2 promu comme remède anti-minceur sur les réseaux sociaux malgré ses effets secondaires potentiellement graves. Aujourd’hui, c’est presque la situation inverse qui survient, puisque plusieurs soignants s’inquiètent du mésusage grandissant de la Periactine, un antihistaminique qui est présenté par certains comme la solution la plus simple pour grossir rapidement et obtenir des formes généreuses.
Comme dans l’affaire de l’Ozempic, le coupable est tout trouvé : il s’agit du réseau social chinois Tik Tok, où les vidéos vantant les effets de la Periactine sont pléthores et cumulent des millions de vues. Dans ces vidéos, destinées essentiellement aux jeunes femmes d’origine africaine (une étude de 2016 a établi que 70 % de la Periactine consommée en République Démocratique du Congo était détournée), des influenceuses, dont certaines se présentent comme pharmacienne, expliquent avoir pris plus de 15 kg en quelques semaines en consommant ce médicament. L’objectif affiché est celui d’obtenir un fessier imposant, afin de pouvoir ressembler à certains mannequins ou influenceuses et notamment à la starlette américaine Kim Kardashian, connue pour ses formes généreuses.
La Periactine, un antihistaminique qui n’est pas sans danger
Nom commercial de la cyproheptadine, la Periactine est commercialisée par le laboratoire italien Teofarma depuis 1974. Il s’agit d’un antihistaminique à prescription facultative, recommandé dans le traitement symptomatique des manifestations allergiques telles que la rhinite, la conjonctivité ou l’urticaire. Mais la cyproheptadine possède également des effets orexigènes bien connus qui induisent la faim. Elle a d’ailleurs été utilisée pendant plusieurs décennies pour augmenter l’appétit des personnes malades, avant que cette indication soit retirée en 1994. C’est évidemment cet effet orexigène qui est recherché par les personnes qui font un usage détourné de la Periactine, dans l’espoir de devenir callipyge.
Mais comme le rappelle la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) dans un communiqué publié le 28 mars dernier, la cyproheptadine possède également des « propriétés sédatives, atropiniques, adrénolytiques et antisérotonigergiques, effets le plus souvent méconnus par les patients utilisateurs ». Ces effets indésirables exposent les personnes qui font un mésusage de cyproheptadine à des risques de « somnolence, baisse de la vigilance, vertiges, hallucinations, anxiété, atteintes hépatiques, rétention urinaire et survenue de troubles du rythme cardiaque ». « Des cas d’anémie et d’agranulocytose ont aussi été rapportés » indique également la SFPT, qui rapporte que ces graves de mésusage continuent à être signalés dans les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) malgré les messages de santé publique qui se multiplient.
Vers l’interdiction de la Periactine ?
Jugeant que la cyprohpetadine, qui peut être remplacée par d’autres antihistaminiques, « n’a plus sa place dans la stratégie thérapeutique », la SFPT estime que son rapport bénéfices-risques doit être « réévalué » et va même jusqu’à évoquer « le retrait de son autorisation de mise sur le marché ou au minimum son inscription sur une liste à prescription obligatoire ». Plus modestement, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) appelle les médecins qui prescrivent de la Periactine à insister auprès de leurs patients sur les éventuelles effets secondaires en cas d’utilisation détournée de ce médicament et d’informer les autorités sanitaires de tout cas de mésusage dont ils ont connaissance.
Cette affaire illustre en tout cas une fois encore le potentiel danger pour la santé publique que représente la diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux et en particulier sur Tik Tok. Mais, magie de notre temps, ces mêmes réseaux sociaux permettent également de diffuser la bonne parole. Les vidéos informatives reprenant les codes des influenceurs et rappelant les dangers de la cyproheptadine se multiplient en effet ces dernières semaines sur Tik Tok.
Grégoire Griffard