Tabagisme : le Royaume-Uni se distingue !

Londres, le vendredi 14 avril 2023 – Le gouvernement britannique a présenté son plan de lutte contre le tabagisme qui repose, notamment, sur la promotion de la cigarette électronique.

Depuis son apparition sur le marché il y a une quinzaine d’années, la cigarette électronique divise pneumologues et experts du tabagisme. Certains, comme le Pr Bertrand Dautzenberg, tabacologue à la Pitié-Salpêtrière, y voient un substitut nicotinique efficace qu’il faudrait promouvoir auprès des fumeurs afin de les inciter à abandonner la cigarette classique. Mais pour d’autres, la e-cigarette est un danger presque aussi important que la cigarette industrielle et son utilisation doit donc être combattue.

C’est cette dernière position qu’ont adoptée la plupart des pays du monde, dont la France. Si notre pays n’est pas allé jusqu’à interdire le vapotage, comme c’est le cas en Thaïlande ou au Brésil, le législateur a globalement étendu toutes les restrictions existantes sur le tabac à la cigarette-électronique (interdiction de vapoter dans les lieux publics, de la publicité, de la vente aux mineurs…). En janvier 2022, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a jugé que la cigarette électronique ne constituait pas « un outil d’aide au sevrage tabagique ». Plus récemment, le 14 février dernier, le ministre de la Santé François Braun s’est exprimé en faveur de l’interdiction des arômes des e-cigarettes.

Un million de cigarettes électroniques gratuites

De l’autre coté de la Manche, c’est une approche radicalement différente qu’ont adoptée les autorités sanitaires britanniques. Depuis octobre 2021, les médecins du Royaume-Uni ont la possibilité de prescrire le vapotage à leurs patients, afin de les aider à se sevrer du tabac, au motif que « les e-cigarettes se sont révélées très efficaces pour aider les personnes qui essaient d’arrêter de fumer » selon le ministère de la Santé. Ce mardi, le gouvernement britannique est allé encore plus loin, puisque le ministre de la Santé Neil O’Brien a annoncé que les autorités allaient délivrer gratuitement plus d’un million de cigarettes électroniques à des fumeurs britanniques. Le ministre a présenté cette opération, appelé « swap to stop » (échanger pour arrêter) comme une première mondiale.

Cette opération de distribution gratuite de cigarettes électroniques, dont le coût est estimé à 45 millions de livres (51 millions d’euros), fait partie d’un plan plus général du gouvernement de Sa Majesté visant à atteindre (à la baisse) d’ici 2030 la barre des 5 % de fumeurs au Royaume-Uni. Actuellement, 13 % des adultes britanniques fument régulièrement, un chiffre historiquement bas. Neil O’Brien a ouvertement défendu une approche libérale de la lutte contre le tabagisme, estimant que les politiques incitatives étaient plus efficaces que les mesures coercitives.

A ce titre, le gouvernement va également verser 400 livres (environ 450 euros) à toutes les femmes enceintes qui s’engageront à arrêter de fumer. Il a en revanche rejeté la plupart des mesures contenues dans un plan de lutte anti-tabac, commandé par les autorités et élaboré par des médecins, en août dernier. Ce plan prévoyait d’interdire de fumer dans certains lieux publics ouverts et d’augmenter d’un an chaque année l’âge minimum pour acheter du tabac, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande (pour conduire à terme à la disparition du tabagisme).

Les associations anti-tabac mitigées

Neil O’Brien reconnait cependant que tout n’est pas rose dans le monde de la cigarette électronique et que ce produit doit avant tout être utilisé par les personnes voulant arrêter de fumer. Il s’est notamment inquiété que, selon les derniers chiffres disponibles, plus de 9 % des lycéens britanniques vapotent régulièrement. Il a donc annoncé un renforcement des contrôles visant à garantir l’application de l’interdiction de la e-cigarette aux mineurs. Une consultation avec les industriels du vapotage va également être menée pour trouver les moyens d’éviter que les jeunes se tournent vers l’e-cigarette.

Si la nouvelle politique anti-tabac du gouvernement a été logiquement saluée par le lobby de la cigarette électronique, les réactions sont plus mitigées chez les associations anti-tabac. Pour Deborah Arnott, présidente de la Campagne sur le tabagisme et la santé, les mesures du gouvernement « sont des pas dans la bonne direction, mais sont loin d’être suffisantes » pour atteindre l’objectif de 5 % de fumeurs en 2030. Porte-parole de l’association Asthma and Lung, Sarah MacFadyen considère elle que les autorités ont tort de considérer que la cigarette électronique est un substitut nicotinique sûre et efficace. « Ce dont les fumeurs ont besoin, c’est d’un soutien personnalisé pour arrêter de fumer » estime-t-elle.

A u même titre que la sauce à la menthe et la conduite à gauche, la e-cig deviendra-t-elle un emblème de la perfide Albion ?

Quentin Haroche

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