Déclaration simplifiée de pharmacovigilance, l’expérience normande

La déclaration spontanée des effets indésirables des médicaments reste la pierre angulaire de la pharmacovigilance, mais elle est sous-utilisée par les médecins généralistes, acteurs principaux des soins primaires, avec seulement 7 % de déclarations. Ce constat a suscité la création d'un outil de déclaration simplifiée de pharmacovigilance (PSRT pour Pharmacovigilance Simplified Reported Tool) par les médecins généralistes.

La pertinence de cet outil a été évaluée par l’université de Caen en comparant les effets indésirables déclarés pendant une période contrôle de 5 ans et la qualité des déclarations via cet outil, déclarations qui devaient contenir obligatoirement : identification du patient, âge, genre, l’effet indésirable et le médicament suspecté d’être incriminé ; et de manière facultative : histoire de la maladie, traitements concomitants, évolution de la symptomatologie et examens complémentaires.

Un outil efficace

En pratique, le PSRT a été proposé le 1er juin 2015 par le centre régional de pharmacovigilance de Caen, en collaboration avec le Syndicat régional Normandie des médecins libéraux, aux 1 290 médecins généralistes de la Région de Normandie occidentale. Le nombre et la qualité des déclarations mensuelles d’effets indésirables par les omnipraticiens ont été recueillis prospectivement du 1er juin 2015 au 31 mai 2020 (période 2) et comparés à une période contrôle (du 1er juin 2010 au 31 mai 2015, période 1).

Au cours des 2 périodes, 920 déclarations ont été effectuées par 307 médecins généralistes, les autres déclarations étant effectuées par d’autres spécialistes. Pendant la première période, 5,4 % des déclarations, soit 220, l'ont été par des généralistes ; pendant la période 2, 10,4 % de l'ensemble des déclarations, l’ont été par des médecins généralistes. Au total, 477 déclarations (51,8 %) ont été effectuées au moyen du PSRT, les autres par d'autres moyens.

Au cours de la période 2, le nombre mensuel de déclarations a été multiplié par 3,5 (p<0,0001) et le nombre de médecins généralistes déclarants par 1,4 (204 contre 144) par rapport à la période 1 (p=0,01). La qualité des déclarations d’effet indésirable rapportées est demeurée stable au cours de la période 2 (34,3 % contre 32,3 %, p=0,71) et avec le PSRT (31,9 % contre 33,6 %, p=0,51).

Les déclarations concernaient principalement des manifestations cutanées (16,6 %), digestives (12,2 %), neurologiques (13,1 %) et ostéomusculaires (10,1 %), qui sont les principales manifestations décrites dans les autres études internationales, même si la fréquence peut varier. Quant aux médicaments suspectés, ils sont à visée cardiovasculaire (21,5 %, en particulier les IEC), du système nerveux (18,8 %, psychotropes surtout) ou anti-infectieux (17,1 %).

Par ailleurs, le PSRT a généré moins de déclarations considérées comme graves (20,5 % contre 37,3 %) et les déclarations concernaient des patients plus âgés (57,4 ans contre 54,5 ans).

Dynamiser les déclarations de pharmacovigilance

Il est intéressant de constater que 60 % des médecins généralistes ignorent qu’ils peuvent faire une déclaration de pharmacovigilance même en l’absence de certitude d’une notion causale entre le médicament et l’effet indésirable. De plus, ils ne notifient généralement que les effets indésirables inhabituels ou inconnus d’eux par rapport au médicament prescrit. Enfin, ils ne connaissaient généralement pas l’existence du processus de déclaration même si la majorité considérait la pharmacovigilance comme primordiale.

In fine, après avoir démontré son efficacité, ce PSRT doit maintenant aller plus loin avec, pourquoi pas, une formation des médecins à son utilisation et une intégration dans les logiciels de médecine générale pour faciliter la déclaration des effets indésirables à l'échelle nationale.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Humbert X. Evaluation of a simplified tool in pharmacovigilance for general practitioners: 5 years of insight. WONCA 2023. Abstract#ID179.

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