
Copenhague, le lundi 10 juillet 2023 – Selon une étude danoise menée sur plus de 40 ans, les personnes transgenres ont un taux de mortalité par suicide 3,5 fois plus élevé que le reste de la population.
Plusieurs études avaient déjà montré que les personnes transgenres présentaient un taux de suicide plus important que le reste de la population. Des recherches menées aux Etats-Unis notamment indiquaient que près de 40 % des individus souffrant de dysphorie de genre ont tenté de se suicider au moins une fois dans leur vie. Aucune étude menée au niveau national pour comparer le taux de suicide des personnes transgenres avec le reste de la population n’avait cependant pour le moment était réalisée.
Comme souvent, c’est au Danemark qu’une telle étude a pu être réalisée, ce pays détenant des données de santé publique quasiment exhaustive pour l’ensemble de sa population. L’étude a été publiée le 27 juin dernier dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). Les chercheurs danois ont étudié l’ensemble des passages aux urgences, hospitalisations et décès pour suicide enregistrés au Danemark entre 1980 et 2021.
Six fois plus de maladie mentale chez les transgenres que dans le reste de la population
Dans chez 3 759 Danois identifiés comme étant transgenres (0,06 % de la population), 92 tentatives de suicide et 12 décès par suicide ont été enregistrés sur cette période de 41 ans. Les personnes transgenres présentent donc un taux de 498 tentatives de suicide pour 100 000 par an, contre 71 pour les cisgenres, soit un taux 7,7 fois plus élevé. Le taux de mort par suicide est de 75 pour 100 000 personnes par an chez les individus souffrant de dysphorie de genre, alors qu’il n’est que de 21 pour le reste de la population, soit un risque de mourir par suicide trois fois et demi plus élevé.
Deux éléments semblent expliquer cette propension à se donner la mort bien plus importante chez les personnes transgenres, notamment les plus jeunes. Tout d’abord, les sujets transgenres présentent plus de pathologies mentales que le reste de la population. L’étude danoise démontre ainsi que près de la moitié (42,9 %) des personnes transgenres présentent des troubles psychiatriques, une prévalence six fois supérieure à celle des sujets cisgenres (7,1 %).
Ensuite, les discriminations et préjugés dont les transgenres peuvent être victimes sont également responsables de cette augmentation du taux de suicide. Pour Annette Erlangsen, co-auteure de l’étude, les sujets transgenres sont victimes de ce qu’on appelle le « stress minoritaire », phénomène que l’on retrouve chez d’autres minorités sexuelles ou raciales et qui peut augmenter le risque de comportement suicidaire. « Lorsque vous appartenez à un groupe minoritaire marginalisé, comme c’est le cas des personnes transgenres, vous éprouvez plus de stress » rappelle la sociologue. « Les personnes transgenres sont plus susceptibles de souffrir de troubles mentaux en raison du stress qu’elles subissent dans la société, cela peut également conduire à des comportements à haut risque, ils peuvent avoir recours à des stimulants tels que l’alcool ou les stupéfiants, ce qui peut également entrainer d’autres problèmes de santé ».
Lutter contre les discriminations pour éviter les suicides
Même dans un pays considéré comme très progressiste et tolérant comme le Danemark, les sujets transgenres peuvent être confrontés à de nombreux problèmes dans leur vie quotidienne. « Lorsqu’on est en contact avec le système de santé, les examens physiques peuvent être très difficiles à affronter pour les personnes transgenres » avance Annette Erlangsen, qui craint que le taux de suicide des transgenres puisse être « plus élevés dans d’autres pays, où les personnes transgenres sont davantage stigmatisées, discriminées et victimes de crimes haineux ».
Invitée à commenter les résultats de cette étude, la présidente de l’association LGBT+ Susanne Branner les a jugé « profondément préoccupants et très douloureux, mais pas surprenants ». Selon la militante, cette étude doit servir de point de départ pour « lancer davantage d’initiative dans le domaine de la santé mentale des personnes transgenres, afin d’offrir un meilleur soutien et de changer le discours sur la transsexualité ». Lutter contre les discriminations peut avoir un effet direct sur les tendances suicidaires des minorités : des études ont indiqué que la légalisation du mariage entre personnes de même sexe dans certains pays occidentaux avait conduit à une baisse des tentatives de suicide de 15 à 20 % chez les jeunes homosexuels.
Quentin Haroche