


Vers un diagnostic d’allergie alimentaire
En effet, quelques jours plus tard, moins de 10 minutes après la fin du repas de midi, l’enfant présente un prurit bucco-pharyngé, un œdème du cou, des lèvres et du visage, puis une urticaire généralisée avec gêne respiratoire sifflante. Elle n’a pas de symptômes digestifs, d'altération de l’état général, ou de troubles de la conscience. La possibilité d'une allergie alimentaire (AA), affection connue pour être de plus en plus fréquente, semble être un diagnostic très plausible.
La première étape a été de préciser le menu du repas pris par Chloé. Il comportait des carottes râpées, mêlées à des fragments de pommes également rapées pour adoucir le mélange, assaisonnées avec un peu d’huile d’arachide et de vinaigre, du poisson pané, un yaourt au sucre, et deux carrés de chocolat à la noisette. Ces divers aliments avaient été régulièrement consommés à plusieurs reprises sans créer d'incident.
Dans un deuxième temps, a été effectuée la batterie des prick tests (PT) d’allergie dont le choix était inspiré par l'anamnèse clinique et par la fréquence connue des principaux allergènes responsables d'AA.
— Le PT témoin (induration x érythème
en mm) au phosphate de codéine, un dégranulant non spécifique,
était positif (3 x 5 mm), prouvant que les masctocytes cutanés
n’étaient pas inhibés, donc que la peau était réactive chez une
enfant, n’ayant pas de dermographisme car le test témoin était
négatif à un diluant (Figures 3).
(Collection Guy Dutau©)
— Les PT aux pneumallergènes usuels étaient tous négatifs, en particulier pour Dermatophagoides pteronyssinus et farinae, les blattes, les épithéliums d’animaux (chat, chien, cheval), et certaines moisissures dont Alternaria et Cladosporium.
— Par contre, ils étaient positifs à de nombreux pollens de graminée et d'arbres, en particulier au pollen de dactyle (7 x 10 mm) et de phléole (8 x 11 mm). Cela était attendu chez cette fillette fortement atopique et présentant des symptômes de pollinose. De plus, les PT vis-à-vis des aliments usuels ou suspects étaient également négatifs : lait de vache, œuf de poule, poisson, blé, noisette, arachide, tous effectués avec des aliments frais dont la valeur diagnostique est connue pour être meilleure que celle des allergènes alimentaires commerciaux. Pour mémoire, une alternative, décrite par Dreborg et Foucard, est le prick plus prick, surtout valable pour les fruits et les légumes, qui consiste à piquer l'aliment frais puis le derme du patient avec l'aiguille ou la Stallerpointe© préalablement enduite de l'allergène frais. La quantité d'allergène est très faible, de l'odre du nanolitre, suffisante pour induite la réaction allergène-IgE, et sûre pour éviter les réactions indésirables régionales.
Chez Chloé, le dosage des IgEs par ImmunoCapÒ, uniquement et fortement positif pour le pollen de dactyle et de phléole (>100 kUA/L), confirmait le résultat des PT. De plus, l’interrogatoire et l’enquête alimentaire catégorielle éliminaient une fausse AA par ingestion d’aliments histamino-libérateurs ou riches en histamine.
Où l’on reprend l'interrogatoire
Mais le problème de l’angio-œdème et de l’urticaire restait entier chez cette enfant atteinte de DA. Il fallait donc reprendre l’interrogatoire en posant la question « Chloé n’avait-elle pas consommé autre chose ? ». Sa mère se souvint alors qu’à la fin du repas sa fille avait croqué deux bonbons colorés qu’elle lui avait donnés. Et elle dit à l’allergologue « Mais ce sont les colorants ! » Nous étions à une période où les risques éventuels des colorants et, plus généralement ceux des additifs suscitaient de nombreuses publications à l'origine d'une phobie exagérée, toujours aussi importante de nos jours (sinon plus), même si plusieurs articles ont permis de faire le tri entre les risques véritables (plutôt rares) et les risques fantasmés (plutôt nombreux).
L’allergologue demande alors plus de détails : « De quelle couleur étaient ces bonbons, et de quelle marque ? ». Et la mère de répondre : « Ils étaient de toutes les couleurs et n’avaient pas de marque ». On apprend que ces bonbons multicolores, achetés au marché chez un commerçant ambulant, étaient montés en forme de collier que Chloé portait autour du cou. La mère montra le collier où manquaient trois bonbons et c’est alors que l’allergologue suspecta le diagnostic…
Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ? Que(s) examen(s) demandez-vous ?
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La solution de cette énigme sera publiée sur Jim le 14 septembre 2023 dans l’après-midi.
Pr Guy Dutau