Vivre et laisser mourir

Bayonne, le samedi 21 octobre 2023 – Atteint de la maladie de Charcot, le Dr Antoine Mesnier se bat désormais pour obtenir la légalisation de l’euthanasie et pouvoir choisir sa mort.

« Tu attends et tu vas mourir ». Médecin généraliste aguerri de 66 ans, le Dr Antoine Mesnier n’a pas eu trop de mal à reconnaitre les signes d’un infarctus ce matin de juillet. Une vraie bénédiction pour ce praticien. Rongé depuis un an et demi par une sclérose latérale amyotrophique (SLA), ce médecin est en effet bien décidé à mourir sans attendre l’inévitable paralysie des muscles provoqués par la maladie. Ce jour-là, il accueille donc avec joie cet infarctus, fruit sans doute de son tabagisme effréné. Et puis non. Après quelques minutes d’hésitation, le Dr Mesnier appelle les secours. Un hélicoptère du SAMU vient le chercher dans sa résidence isolée de Saint-Etienne-de-Baïgorry, dans les Pyrénées, pour l’emmener à l’hôpital. In extremis, les médecins parviennent à le sauver.

Le combat d’une fin de vie

L’apparente détermination du Dr Mesnier à mourir a-t-elle flanché au moment fatidique ? A le croire, rien de cela. Antoine Mesnier est toujours décidé à choisir le moment de sa mort. Mais avant cela, il a un dernier combat à mener : obtenir la légalisation de l’euthanasie. Depuis qu’il a appris, le jour de ses 65 ans, qu’il était atteint de la maladie de Charcot, maladie dégénérative incurable et principale cause d’euthanasie et de suicide assisté dans les pays qui l’autorisent, le Dr Mesnier a fait du changement de la législation française son cheval de bataille.

L’an dernier, peu de temps après le diagnostic, il a même rencontré Emmanuel Macron en personne lors de la finale du top 14 (le Dr Mesnier est un passionné de rugby). « Je lui ai dit que, s’il voulait entrer dans l’histoire, il fallait une loi sur la fin de vie. Il a pris mon numéro et le lendemain un de ses proches m’appelait pour recueillir mon témoignage » raconte le généraliste à nos confrères de France info.

La question de la légalisation de l’euthanasie suscite, on le sait, un vif débat dans le monde médical. Beaucoup de soignants estiment que ce n’est pas le rôle d’un médecin de donner la mort et d’abréger les souffrances des patients. Longtemps, le Dr Mesnier a également été « habité par la conviction judéo-chrétienne que je n’avais pas le droit de donner la mort à quelqu’un ». Jusqu’à une funeste journée de 2007, qu’il raconte dans son livre, « Bon anniversaire Antoine », paru le 5 octobre dernier. Ce jour-là, le Dr Mesnier reçoit en consultation son ami Patrice Lestage, ancien joueur de football professionnel, qui vient le voir pour de grosses fatigues. « Je lui ai diagnostiqué la maladie de Charcot, que je n’avais jusque-là croisée que dans les livres » se souvient le généraliste.

Un « acte d’amour » traumatisant

L’ancien sportif fait alors prendre une promesse à son ami depuis plus de 15 ans : celui d’accepter d’abréger ses souffrances quand il le lui demandera. Trois ans plus tard, le 29 novembre 2010, alors que l’état de santé de Patrice s’est fortement dégradé, le Dr Mesnier tient sa promesse. « J’ai pris la machine et j’ai débranché Patrice » raconte le généraliste, qui dit avoir eu besoin « d’un an et demi de thérapie » pour se remettre de « cet acte d’amour ».

Théoriquement, le Dr Mesnier pourrait être jugé pour ce que la loi qualifie d’assassinat et dont il n’avait encore jamais parlé publiquement. « Je veux bien aller aux assises, je suis déjà condamné par la maladie, la prison ne me fait pas peur, peut-être même que mon procès deviendrait un tournant pour faire changer la loi » espère le généraliste. Il a déjà le soutien de la veuve de Patrice Lestage, Annick Oleksiak. « Antoine a été exceptionnel avec Patrice en tant que médecin et ami » plaide-t-elle.

S’il est déjà handicapé par la maladie (difficulté à se déplacer, à soutenir sa tête…), le Dr Mesnier se sent paradoxalement « revivre » depuis l’annonce de sa maladie. « Charcot me tue et me fait renaître, j’ai commencé à vivre quand j’ai su que j’étais condamné, j’existe enfin moi qui suis passé à côté de ma vie, offert aux autres, malades, 14 heures par jour ». Malgré ses paroles presque optimistes, le Dr Mesnier a déjà tout préparé pour son dernier voyage. Les produits létaux sont déjà prêts chez lui et son ami le Dr Serge Simon, ancien rugbyman professionnel reconverti dans la médecine, a accepté par avance de l’euthanasier. Ne manque donc plus qu’un changement de loi, « pour ne pas envoyer Serge en prison ».

Le gouvernement a récemment annoncé que le projet de loi créant une aide active à mourir sera présenté en Conseil des ministres en décembre et examiné par le Parlement en 2024.

Quentin Haroche

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Vos réactions (2)

  • Vivre et laisser mourir

    Le 21 octobre 2023

    Merci Antoine pour cette leçon de courage et d’humanité

    Dr H. Favoriti

  • Quand, pas comment...

    Le 21 octobre 2023

    Mauvais titre, la question n'est pas le choix de la mort, mais le choix du moment...

    Dr A. Wilk

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