La possibilité d’un PIRA cognitif

Collaboration entre les équipes de Buffalo et d’Amsterdam, la présente étude posait la question du devenir cognitif des patients souffrant de sclérose en plaques (SEP) rémittente/récurrente (RR), en dehors des rechutes. On sait depuis plusieurs années qu’un déclin cognitif pouvait être manifeste pendant les poussées, avec une récupération le plus souvent incomplète et une certaine stabilité cognitive entre les poussées était admise.

Cependant, une évolution de la maladie indépendante des poussées dans les formes de SEP RR a été décrite récemment (Progression Independent of Relapse Activity, PIRA) pour le handicap fonctionnel physique, mais ceci n’avait jamais été étudié concernant la cognition.

Pour apprécier l’évolution cognitive entre les rechutes, les auteurs ont utilisé de manière rétrospective les données du SMDT (Symbol Digit Modalities Test), du BVMT-R (Brief VisuospatialMemory Test-Revised) et du CVLTII (California Verbal Learning Test) de 336 des 353 patients traités au centre de Buffalo au cours des 15 dernières années.

Le déclin était défini par une baisse d’au moins une déviation-standard du score de chacun de ces tests. Ces patients ont eu une durée médiane de suivi de 8 ans. Ensuite, de manière arbitraire, les auteurs ont considéré qu’un PIRA ne pouvait être établi que si le déclin cognitif se produisait 9 mois au moins après une poussée et 9 mois au moins avant la poussée suivante. Dans le contraire, il s’agissait d’un déclin lié à la poussée.

Les données initiales de ces patients âgés en moyenne 43,1 ans avec une durée médiane de la maladie de 10,8 ans, traités par traitement modificateurs de maladie (DMT) dans 54,8 % des cas, et avec un EDSS de 2,5, montrent des scores moyens : SDMT=51,3, CVLT-II=49,8 et un BVMT-R=21,5.

Au terme de l’étude, 51,3 % des patients ont connu un déclin cognitif, souvent plus marqué pour le CVLT-II. Parmi eux, en se rapportant à la définition admise dans cette étude, 85,9 % peuvent voir leur déclin cognitif défini comme étant un PIRA (versus 14,1 % comme un déclin associé à la poussée). Quant au déclin de l’EDSS, il est dans 72,2% des cas décrit comme PIRA, ce qui signifie aussi que certains déclins cognitifs PIRA (39,7% !) sont indépendants de la détérioration de l’EDSS.

Ces données permettent aux auteurs de conclure que la dysfonction cognitive peut progresser de manière indépendante des poussées enregistrées cliniquement et ce PIRA cognitif serait même encore plus fréquent que les troubles cognitifs pendant ces mêmes poussées. Ce déclin cognitif est difficilement perçu par un simple test, et la conjonction des 3 tests semble indispensable pour ce faire.

Cela dit, la fréquence des PIRA cognitifs est probablement surestimée parce qu’il s’agit de données rétrospectives basées uniquement sur des éléments cliniques. « Mais il s’agit d’un élément qui reste à valider et dont il faudra tenir compte de manière prospective et la plus objective possible, notamment avec contrôle IRM, et avec un suivi de longue durée dans les études à venir », conclut Tom Fuchs (Amsterdam).

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Fuchs T, et coll. Cognitive progression independent of relapse in multiple sclerosis. Scientific session 4 : Effects of MS on cognition and beyond. Abstract#O041/337. ECTRIMS 2023, Milan, 11-13 octobre 2023

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