
Le tremblement dit essential est l’un des troubles neurologiques les plus fréquemment rencontrés dans la pratique médicale courante. Sa prévalence, difficile à estimer avec précision, serait globalement comprise entre 0,32 % et 1,33 % selon les méta-analyses les plus récentes, mais elle augmente de manière significative avec l’âge.
Le syndrome a la réputation d’être bénin, ce qui ne l’empêche pas d’évoluer au fil du temps, voire de s’aggraver au point de perturber les activités de la vie quotidienne et d’altérer la qualité de vie. Si un traitement purement symptomatique s’avère inutile au début, tel n’est pas le cas lorsque les symptômes deviennent gênants ou envahissants, le tremblement ayant tendance à se généraliser.
C’est la pharmacothérapie qui est l’option de choix, au travers notamment du propanolol et de la primidone qui, prescrits en première intention, améliorent l’état clinique dans au plus 50 % des cas, la gabapentine, les benzodiazépines et le topiramate étant moins efficaces. Les traitements non pharmacologiques, qu’il s’agisse de la stimulation cérébrale profonde ou de la thalamotomie, sont une option invasive qui peut être efficace, mais elle n’est utilisée que dans 3 % des cas de tremblement essentiel réfractaire.
Plus de 6 000 cas de tremblement essentiel
Une étude rétrospective menée en France et au Royaume-Uni permet d’évaluer les modalités de la prise en charge du tremblement essentiel et les facteurs susceptibles de l’affecter. Il ne s’agit pas stricto sensu d’une étude de cohorte, car les informations nécessaires ont été extraites de bases de données constituées dans le cadre des soins primaires. Au total, 2 957 cas ont été sélectionnés au Royaume-Uni et 3 249 en France, entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018. Au cours d’un suivi de deux années, la prévalence d’une pharmacothérapie quotidienne a été estimée, ainsi que celle des changements de traitement.
Entre le 12ème mois et le mois qui a précédé le diagnostic, la consommation de médicaments a doublé, passant de 5-6 % à 12 %. Une fois le diagnostic posé, près de 40 % des patients ont reçu au moins un traitement le plus souvent un médicament de première intention (propanolol, primidone, alprazolam, gabapentine), mais à la fin du suivi, le traitement n’a été poursuivi que chez 20 % des patients.
Le même traitement n’a été maintenu que chez moins de 10 % des participants pendant toute la durée du suivi. Un autre médicament a été substitué au premier dans 20 % des cas, et un arrêt total du traitement constaté chez 40 % à 75 % des patients, en raison de ses effets indésirables ou de son inefficacité. Une analyse multivariée a révélé que, dans les deux pays, l’éventualité d’un traitement du tremblement essentiel s’est avérée plus fréquente en cas d’autres traitements concomitants, de polymédication ou de troubles psychiatriques divers, notamment dépression ou anxiété et en France, ainsi que de surpoids ou d’obésité.
Cette étude transversale a le mérite de porter sur un grand nombre de cas de tremblement essentiels recueillis dans deux pays, en l’occurrence, la France et le Royaume-Uni. Il apparaît que la pharmacothérapie réputée (relativement efficace) n’est qu’assez peu prescrite et souvent abandonnée en cours de route. Certes, le recours à des bases de données a ses limites, notamment pour ce qui est de la certitude du diagnostic, mais ces résultats n’en attirent pas moins l’attention sur le fait que le tremblement essentiel reste mal appréhendé sur le plan pathogénique et, de ce fait, imparfaitement traité. Des progrès thérapeutiques sont à l’horizon…
Dr Philippe Tellier