
Le groupe de travail rappelle qu’il faut évoquer un TRCVS devant tout trouble du sommeil et que ces troubles sont très fréquents parmi les patients atteints de pathologies psychiatriques. Les TRCVS sont également associées aux démences, notamment au cours de la phase prodromale de la maladie d’Alzheimer. La présence d’un TRCVS chez un sujet âgé doit faire rechercher une pathologie neurodégénérative.
Nous nous concentrerons ici sur le trouble de rythme circadien le plus connu : le syndrome de retard de phase, correspondant à une perturbation du rythme veille/sommeil évoluant depuis plus de 3 mois et entrainant une répercussion significative (insomnie et somnolence). Il est favorisé par un chronotype vespéral et l’utilisation d’écrans le soir et est particulièrement fréquent chez les adolescents et jeunes adultes. Il est présent chez 10 % des patients souffrant d’insomnie.
Évaluation des TRCVS : l’agenda du sommeil et l’actigraphie
Le groupe de travail recommande l’utilisation de l’agenda du sommeil et de l’actigraphie pour tous les TRCVS. Il est recommandé de faire remplir l’agenda par le patient pendant au moins 15 jours (pour qu’il comprenne plusieurs jours de repos). La période couverte doit dans l’idéal couvrir une période de vacances. L’actimétrie (qui consiste en la mesure de l’activité des sujets par un capteur situé sur le poignet non dominant) est particulièrement utile pour les patients qui ne peuvent remplir l’agenda du sommeil du fait de troubles cognitifs. En l’état actuel des connaissances, les objets et applications connectés ne sont pas encore recommandés pour l’évaluation des TRCVS. Il est recommandé d’utiliser des questionnaires d’évaluation du chronotype tels que le questionnaire de matinalité de horne et Ostberg, ou encore le questionnaire Carskadon, chez les enfants et adolescents.Les marqueurs de la phase circadienne permettent de déterminer la phase du système circadien. L’un des marqueurs utilisé est le début de la sécrétion de mélatonine en lumière faible (DSMLF), qui doit être déterminé en milieu contrôlé (ce qui peut éventuellement être fait en ambulatoire). Ce dosage est recommandé par le groupe de travail pour le diagnostic des syndromes d’avance et de retard de phase. La mesure régulière de la température centrale peut également être utilisée (mais nécessite une hospitalisation).
Mélatonine : une utilisation clarifiée
Deux différents effets de la mélatonine peuvent être utilisés dans le TRCVS : l’effet chronobiotique, et l’effet soporifique (voir Enfin un consensus sur la mélatonine ! issu du même congrès). Pour l’effet chronobiotique, il faut donner une petite dose de mélatonine (1mg) 4h avant le début de la production de mélatonine (soit 6h avant le coucher). L’effet soporifique est obtenu pour une dose plus importante (entre 1 et 5mg) une heure avant le coucher. La mélatonine est recommandée dans le syndrome de retard de phase, où il est possible de combiner l’effet chronobiotique et l’effet soporifique. Le traitement dure 4 à 6 semaines. Il est recommandé d’interrompre le traitement durant une semaine pour évaluer l’évolution du trouble sous-jacent avant de poursuivre le traitement, le cas échéant. Il est recommandé de réévaluer le traitement une fois par an. Les règles d’hygiène de sommeil ne doivent pas être oubliées.La mélatonine a bien entendu toujours sa place dans les troubles du sommeil secondaires à un changement de fuseau horaire. Lors d’un voyage vers l’est (par exemple en revenant de New York), il est recommandé d’administrer la mélatonine en libération immédiate en une fois à 16h (locales) le jour du départ pour commencer à avancer la phase, et continuer vers 22h une fois arrivé en France.
Luminothérapie : les lunettes ne sont pas encore recommandées
Les recommandations du groupe de travail se calquent sur celles de l’American Academy of Sleep Medicine (AASM, 2015). Dans le retard de phase, la photothérapie doit être mise en place à l’heure de lever souhaitée. Le soir, il est recommandé de baisser la lumière, et d’utiliser des lunettes de soleil. La mélatonine peut être associée. En pratique, le sujet doit se placer entre 30 et 50 cm de la source de lumière, qui doit émettre entre 2500 et 10 000 lux. La lumière bleue n’est pas recommandée. Le traitement doit durer entre 1/2h et 2h. Le patient peut lire, ou avoir d’autres activités à proximité de la lampe. Le traitement peut être combiné à l’exercice physique. Attention, l’exposition avant 7 ou 8h du matin peut provoquer une avance de phase. Les lunettes de luminothérapie ne sont pas encore recommandées.Et dans tous les cas, le traitement comportemental
Les approches comportementales sont toujours le traitement de première intention des TRCVS. Il faut bien analyser les habitudes de vie des patients et, en premier lieu, leurs habitudes d’exposition à la lumière et à l’obscurité. Dans le syndrome de retard de phase, il faut éviter la lumière deux heures avant le coucher et s’exposer à la lumière le matin. Dans le décalage horaire, l’utilisation de lunettes de soleil peut aider à ne pas s’exposer à la lumière dans des moments inopportuns.Le compte-rendu complet de ce consensus sera publié au cours des prochains mois. Il permet de clarifier la place des différents traitements de ces troubles qui semblent très fréquents, mais dont la prévalence exacte est encore inconnue. Ainsi, la mélatonine, associée à la luminothérapie, après échec de la prise en charge comportementale, est le principal outil pharmacologique à utiliser dans la prise en charge du syndrome de retard de phase.
Dr Alexandre Haroche