Karens : les tibétains de Birmanie

La répression des tibétains par la Chine est l’occasion de rappeler qu’un autre peuple d’Asie, les Karens, est réprimé depuis la même époque, en Birmanie. Les Karens sont plus de 8 millions et représentent une des minorités ethniques les plus importantes de Birmanie. Mais qui en a entendu parlé ? Fer de lance de la résistance contre la junte militaire birmane, les Karens se battent dans les régions de l'Est du pays depuis près de 60 ans pour conserver leur identité, leur indépendance et retrouver leur terre dans un silence médiatique quasi-total. Souvenez-vous : la répression sanglante des moines boudhistes birmans, soutenus par Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, a fait la une des journaux occidentaux à l’automne 2007, mais les Karens, solidaires de cette lutte pour la démocratie, ont malheureusement été ignorés des média.

Qui sont les Karens ?

Les Karens vivent en Birmanie (appelée désormais Myanmar) depuis près de 3000 ans. Les Birmans, arrivés quelques siècles plus tard, ont envahi leurs terres les obligeant à se réfugier dans les montagnes bordant la frontière avec la Thaïlande. Pendant la colonisation britannique, les Karens entretenaient de bonnes relations avec les anglais, contrairement aux Birmans, et se sont majoritairement convertis au christianisme, ce qui n’a fait que raviver l’hostilité des Birmans (boudhistes) à leur encontre. Actuellement, environ trente pour cent des Karens sont chrétiens, et très pratiquants. D’une grande rigueur morale, ils ne tirent aucun profit de la drogue qu’ils ne cultivent pas, et refusent de commettre des actes terroristes contre les civils.

 


Fête Karen

Un combat de près de 60 ans : quelques repères

Au moment de l’indépendance Birmane (1947), une constitution respectant le droit des différentes minorités a été proposée par Aung San, premier responsable politique Birman (père d’Aung San Suu Kyi). Mais Aung San est assassiné quelques mois plus tard et un général Birman prend le pouvoir, renforce la domination de l’armée et plonge le pays dans le chaos. Les Karens décident dès 1950 de créer leur état : le Kawthoolei.

 


le Kawthoolei

 

Une politique de terreur est mise en place par les Birmans contre les minorités ethniques, et les Karens en particulier (arrestations arbitraires, assassinats, vols, pillages).
Depuis lors, les dictateurs militaires n’ont jamais cessé de régner multipliant les épisodes de répressions sanglantes.

En 1990, deux ans après la révolte des étudiants soutenue par l’ensemble de la population, le parti d’Aung San Suu Kyi gagne les élections démocratiquement. Les militaires lui confisquent sa victoire et lui imposent de vivre en résidence surveillée depuis cette date.

En 1995, le quartier général Karen, basé à Manerplaw dans l’état Karen, est complètement détruit par les Birmans. Des milliers de Karens sont chassés de leur pays et sont obligés de se réfugier en Thaïlande, l’état voisin. C’est ainsi que la résistance Karen s’organise désormais à partir de Mae Sot, ville thaïlandaise située à la frontière birmano-Thaï.

En 2006, une offensive particulièrement meurtrière est lancée par l’armée birmane pour « déloger » les Karens des montagnes, déplaçant 26 000 civils. Depuis, l’organisation de défense des droits de l’homme Humans Rights Watch redoute l’extermination des Karens et des autres minorités ethniques birmanes et demande aux Nations Unis de les protéger.

No future ?

Actuellement, près d’un million de personnes ont fui la répression Birmane et vivent sur la frontière Birmano-Thaïlandaise dont 150 000 Karens environ dans les camps de réfugiés en Thaïlande. Les Karens restés en Birmanie (environ 8 millions) survivent sous le joug birman dans des conditions dramatiques. 

Les karens des camps ne peuvent en sortir qu’avec une autorisation spéciale, limitée dans le temps, et en payant. Ils n’ont pas le droit de circuler en Thaïlande, ni d’y travailler, ou encore d’inscrire leurs enfants à l’école ou à l’université.
Cette situation, qui représente une véritable urgence humanitaire, dure pourtant depuis... plus de 20 ans ! En 2004, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a conclu un accord avec 10 pays pour accueillir les réfugiés Karen des camps Thaïlandais (Etats-Unis, Canada, Australie, Norvège, Finlande, Suède, Nouvelle Zélande, Danemark, Pays bas, Royaume Uni). Près de 25 000 Karen ont ainsi pu émigrer à l’étranger. Mais tous ne peuvent (critères stricts), ou ne veulent pas partir, et tout quitter, pour un avenir plus qu’incertain. Et nombreux sont ceux qui attendent le jour où ils pourront rentrer chez eux…

Pour que la menace d’extermination des Karens, et des autres minorités ethniques birmanes, soit enfin médiatisée et dénoncée par la communauté internationale, faudra-t-il attendre l’organisation de jeux olympiques à Rangoon ?

 

Dr Laurence Houdouin


A lire aussi : Humanitaire : Cynthia Maung, médecin Karen, recrute pour la Mae Tao Clinic en Thaïlande

Crédits Photos : Sophie Laisney, Françoise Collin et Edith Leroux (mars 2008).

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