Suicide à l’HEGP : les guerres picrocholines n’ont pas cessé, c'est sûr

Frère Jean des Entommeures combattant les soldats de Picrochole

Paris, le jeudi 14 janvier 2016 – L’apaisement n’est pas à l’ordre du jour à l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) près d’un mois après la défenestration du cardiologue Jean-Louis Megnien. Des révélations faites aujourd’hui par l’Express confirment non seulement la persistance d’un climat délétère mais aussi l’opacité de la communication et la nature viciée des relations entre les médecins au sein de l’établissement.

L’une des clés du malaise

Beaucoup l’ont signalé pour tenter d’illustrer la tension des rapports au sein de l’hôpital et les difficultés subies par le professeur Megnien : lorsqu’il tenta d’ouvrir son bureau lors de son retour après un long arrêt maladie le 14 décembre, il constata que sa serrure avait été changée. Quelques jours après le suicide du praticien, le professeur Eric Thervet indiquait avoir pris l’initiative du changement de serrure. Eric Thervet, chef du département hypertension artérielle, affections rénales et cardiovasculaires occupe en effet le bureau contigu de celui du docteur Megnien et est également un proche du professeur Alain Simon, ancien chef de service qui aurait écarté en 2014 le praticien décédé de sa succession, comme le rappelle aujourd’hui l’Express.

Difficile de se planter devant le problème

Eric Thervet a récemment été élu nouveau président de la Commission médicale d’établissement (CME) de l'HEGP), une charge sans doute difficile à assumer en cette période troublée et ses premiers pas ne démentiront pas cette impression. Le 8 janvier, selon les révélations de l’Express, il présidait la première réunion de la CME. Le sujet du suicide de Jean-Louis Megnien n’était pas inscrit à l’ordre du jour, mais le malaise était trop prégnant pour qu’il ne fut pas évoqué. Les médecins présents pressèrent notamment le Pr Thervet de revenir sur les circonstances du changement de serrure. Le praticien aurait indiqué alors qu’alerté par un agent d’entretien, souhaitant notamment procéder à l’arrosage des plantes et ne pouvant ouvrir la porte, il avait préconisé le changement de serrure. Cependant, ces explications sont apparues modifiées dans le compte rendu de réunion qu’ont reçu hier les membres de la CME. Il n’est alors plus question des plantes, mais d’autres précisions sont données. « Le Pr Megnien a fait lui-même changer sa serrure » indique ainsi le résumé qui ajoute : « Il a été constaté en juillet 2015 que les intervenants de la sécurité incendie n’avaient pas accès à ce bureau. Une serrure conforme aux règles de sécurité a été remise en place à cette date », précise le texte cité par l’Express.

Droit de réserve

Cette version, assez différente de celle qui aurait été énoncée en réunion et qui renvoie la responsabilité du problème sur le professeur Megnien, attise la colère du professeur Franck Zinzindohoue qui s’en ouvre à Eric Thevet. Dans sa réponse, ce dernier met les différences observées sur le compte des « règles de style ». Mais le professeur Georgia Malamut, chargée de la rédaction du compte rendu, se montre plus claire quelques minutes plus tard en déclarant : « Je ne suis pas l’auteur des quatre phrases concernant le changement de serrure que j’ai découvertes comme vous hier soir. Je vous prie de bien vouloir respecter mon droit de réserve concernant ces phrases ». Autant dire que la nouvelle direction de la CME a fait des débuts remarqués.

« Cabale »

Cette affaire, digne des guerres picrocholines de Gargantua, permet de commencer à toucher du doigt le climat de tensions qui semble régir les relations entre médecins au sein de l’HEGP.  Ce n’est en effet pas tant la raison du changement de serrure qui importe, mais bien plus les circonvolutions accomplies pour présenter les faits qui révèlent à quel point le terrain semble miné et combien chacun tente de conserver la mainmise sur des luttes de pouvoir intestines.

Ces "révélations" interviennent alors que les langues ont continué à se délier ces derniers jours. Le Dr Rachid Zedji, chirurgien cardiaque, a ainsi assuré que depuis son éviction pour reprendre la tête du service dirigé par Alain Simon, le Dr Megnien subissait de fréquentes "brimades" et même des insultes, parfois proférées jusque devant les patients. Le professeur Laurent Lantieri, également ami du professeur Megnien, a pour sa part témoigné dans ce sens sur RTL la semaine dernière. Il a notamment affirmé qu’une « cabale » avait été montée contre le cardiologue, qui aurait été par exemple taxé d’homophobie.

A la veille du 15 janvier

Dans ce contexte très tendu et alors que l’organisation Convergences HP (qui regroupe le SNAM-HP et la CMH) vient de signer un nouveau communiqué appelant « les politiques et les directeurs » à « faire face à leurs responsabilités », devant un malaise grandissant au sein des hôpitaux publics, Marisol Touraine doit recevoir demain les premières conclusions de l’enquête administrative menée à l’HEGP. Une enquête dont beaucoup au sein de l’établissement redoute qu’elle ne soit une « coquille vide ».

Marisol Touraine avait promis qu’en fonction de ces résultats préliminaires, des mesures seraient éventuellement prises.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (4)

  • Les fenêtres sont des "meurtrières"

    Le 14 janvier 2016

    Je ne connais rien aux différends qui divisent les paraticiens de cet hôpital, mais je constate que cet établissement, qui devait être une vitrine (je n'ose écrire une fenêtre) de l'excellence de la médecine française, donne une piètre image de celle-ci.
    Les versions successives et fort différentes des motivations du changement de serrure sont à peine dignes de nos hommes politiques, tant c'est minable, pitoyable, lamentable et grotesque.
    On veut espérer que le niveau technique est plus élevé (à partir du 8ème étage) que ces coups bas mais je suis honteux pour toutes ces sommités juste capables de faire des "ouvertures" à la direction et d'étaler leurs "jalousies".
    Dans les forteresses, les fenêtres sont des "meurtrières".

    U. Blot

  • Appelons un chat un chat

    Le 14 janvier 2016

    Le primum movens est la dépression, tant en ce qui concerne les causes de la persécution (sans l'excuser) que les conséquences disproportionnées (il suffisait de changer de lieu de travail).
    Ouvrez les yeux et vous verrez ! Mais le pouvez vous ?

    Dr Bernard Maroy

  • Reprise après un arrêt long

    Le 17 janvier 2016

    Il me semble que le comité médical aurait du statuer sur la reprise après un arrêt long , voire se prononcer sur les mesures d'adaptation du poste...

    Qu'en est-il ?
    Quant à rester président de la CMT ? Que n'a t-il démissionné?

    ML

Voir toutes les réactions (4)

Réagir à cet article