Double greffe des mains chez un enfant : une opération réussie, mais destinée à rester rare

Philadelphie, le mercredi 19 juillet 2017 - Il y a deux ans, son sourire éclatant avait déjà fait le tour du monde. C’était un petit garçon de huit ans qui n’éprouvait aucune timidité face à un parterre de journalistes, les yeux rivés vers lui. Et qui était capable de lancer avec simplicité : « Les gars, je veux vous juste vous dire merci », en désignant ainsi l’équipe chirurgicale lui ayant transplanté deux mains quelques semaines auparavant. Il y a quelques semaines, les supporteurs de l’équipe de baseball de Philadelphie ont pu de nouveau être touchés par son sourire et son assurance quand il a lancé la première balle d’un match important. Ils ont surtout pu constater la parfaite dextérité de l’enfant.

Déjà sous traitement immunosuppresseur

Zion Harvey a été victime d’une sévère septicémie à l’âge de deux ans : ses deux mains et deux pieds ont dû être amputés et il a dû recevoir une greffe de reins (avec pour donneur sa mère). Si le petit garçon était parvenu à surmonter son handicap et se révélait capable en dépit de l’absence de mains d’exploits étonnants (du jeu vidéo à l’écriture, en passant par l’alimentation et la planche à roulettes, rien ne lui résistait), le suivi d’un traitement immunosuppresseur en raison de sa transplantation rénale faisait de lui un candidat acceptable pour une greffe de mains. Proposée par l’équipe de l’hôpital pour enfants de Philadelphie, l’intervention a été rapidement acceptée par la famille et le petit garçon.

Une récupération rapide

Préparée pendant de longues semaines, l’opération a duré 10 heures et quarante minutes et a mobilisé quatre équipes comptant au total quarante personnes. « La révision vasculaire de l'artère ulnaire a été nécessaire quelques heures après la chirurgie », mais aucune autre complication immédiate n’a été déplorée. La rééducation a été mise en place très rapidement après l’opération : six jours après sa sortie du bloc, un programme intense et quotidien était lancé, accompagné d’un soutien psychologique. L’enfant est par ailleurs demeuré à l’hôpital pendant sept semaines, notamment pour adapter le plus précisément son traitement. Les résultats ont été rapides et très encourageants. Dès sa présentation à la presse, un mois après l’opération, l’enfant pouvait bouger ses doigts. Au bout de sept mois (pour la main droite) et dix mois (pour la main gauche), l’innervation des muscles était acquise. « Les études de neuro-imagerie fonctionnelle ont montré une réorganisation du cortex moteur et somatosensorielle » indique l’équipe qui publie ses résultats dans The Lancet Child & Adolescent Health. L’enfant peut aujourd’hui se laver, s’habiller et manger seul, de façon plus fonctionnelle qu’avant l’intervention. Il peut également écrire.

Une véritable épreuve

Ces exploits n’ont pas été accomplis sans douleur. Outre la lourdeur de la rééducation, notamment pour un jeune enfant, le petit garçon a été victime de plusieurs épisodes de rejet, dont deux sévères, mais qui ont tous pu être résorbés. L’adaptation de son traitement a par ailleurs été complexe : « Au moment de l'allogreffe de la main, le patient n'avait aucun problème médical. Après la deuxième transplantation, en raison de l'augmentation nécessaire de la thérapie immunosuppressive, qui comprenait des stéroïdes, la concentration de créatinine a plus que doublé. L’enfant est maintenant sous une quadruple thérapie qui comprend le sirolimus dans le but de limiter la néphrotoxicité » indique dans un commentaire publié dans The Lancet Child & Adolescent Health, le professeur Marco Lanzetta de l’Italian Institute of Hand Surgery.

Des interrogations multiples

De fait, en dépit des résultats remarquables obtenus, la question de la pertinence d’une telle greffe chez de jeunes enfants continue à se poser. Les chirurgiens et médecins qui ont procédé à l’intervention et organisé la rééducation, tout en considérant l’opération comme un succès, ne cachent pas eux-mêmes les limites d’une telle démarche. « La transplantation de main chez un enfant peut être chirurgicalement, médicalement et fonctionnellement réussie dans des circonstances soigneusement considérées. Des données à long terme sur la trajectoire fonctionnelle, la récupération neurologique, les séquelles psychologiques et les effets tardifs potentiels de l'immunosuppression sont encore nécessaires pour soutenir la mise en œuvre plus large de l'allotransplantation composite vasculaire pédiatrique » écrivent-ils. Pour Marco Lanzetta, il est certain que si Zion n’avait pas déjà nécessité un traitement immunosuppresseur, la greffe n’aurait pas pu être proposée. Outre le risque lié à l’opération en elle-même et la très grande pénurie de greffons pédiatriques, la bonne fonctionnalité des prothèses actuelles, l’adaptation des enfants à leur handicap (ce qui était d’ailleurs observé chez le petit garçon) et les effets secondaires encore importants des traitements immunosuppresseurs ne peuvent qu’inciter à des indications extrêmement limitées pour le spécialiste italien, même s’il est encouragé par le fait que les résultats obtenus dépassent ceux atteints avec les prothèses actuelles (notamment en terme de sensibilité). De fait, les seuls autres exemples de greffe de membres chez des jeunes enfants avaient concerné des sujets ayant reçu un greffon provenant d’un frère ou une sœur jumelle (un cas a été rapporté en Malaisie en mai 2000 et un autre au Canada en 2005), permettant d’éviter le traitement immunosuppresseur. Dans ces très rares cas, les résultats fonctionnels sont au rendez-vous (mais les données sont parcellaires en ce qui concerne le cas malaisien).

Aurélie Haroche

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