Interdit de toute activité sexuelle en raison de sa déficience mentale

Londres, le jeudi 10 février 2011 – Les décisions juridiques concernant les incapables majeurs sont le fait en Grande-Bretagne de la Cour de protection. Cette dernière a déjà eu à se prononcer sur des cas particulièrement difficiles visant notamment à imposer à certains sujets de sa Majesté de recourir à l’avortement ou de suivre un traitement contraceptif sans interruption. Récemment, le cas d’Alan, âgé de 41 ans, dont le quotidien intellectuel a été estimé à 48 lui a été présenté. Résidant dans un foyer municipal, Alan entretient depuis juin 2009 des relations sexuelles avait un autre pensionnaire, Kieron. Cette situation est fortement désapprouvée par l’institution qui l’héberge qui s’est retournée vers la Cour de protection afin de déterminer la marche à suivre.

L’acte sexuel peut donner des boutons ou la rougeole 

L’examen du cas d’Alan par les magistrats a permis de mieux déterminer sa connaissance de la chose. Alan, qui présente selon le Daily Telegraph des pulsions sexuelles très vigoureuses, qui le poussent parfois à des comportements « déplacés » (une tendance à l’exhibitionnisme qui se serait déjà manifestée face à des enfants, dans les bus ou chez le dentiste) ne semble pas avoir conscience des conséquences des rapports sexuels. « Il pense que les bébés sont livrés par des cigognes et que l’acte sexuel peut donner des boutons ou la rougeole » a ainsi expliqué un expert psychiatre à la Cour de protection. Ce témoignage parmi d’autres a incité les juges des tutelles à prendre une décision qu’eux-mêmes ont qualifié de difficile : l’interdiction de toute activité sexuelle à Alan, à l’exception des moments où il est seul dans sa chambre. Ce choix de la Cour suppose notamment que ses rencontres avec Kieron soient le plus possibles restreintes. A l’heure de prendre cette décision, le juge Mostyn a considéré qu’il s’agissait d’une situation « légalement intellectuellement et moralement » complexe.

Interdit généralisé

L’affaire renvoie de fait indiscutablement à la question de la sexualité des handicapés mentaux, un thème qui a été récemment effleuré à la faveur de la réflexion lancée en France sur l’opportunité de créer un statut d’aidant sexuel qui permettrait à certains handicapés d’accéder à une vie charnelle et affective. Sans se prononcer sur ce point précis, la chercheuse au CNRS Nicole Diederich interviewée ce 8 février par l’hebdomadaire Lien social, réservé aux éducateurs, remarque qu’au sein des institutions accueillant des personnes handicapées : « La vie sexuelle des résidants est souvent régie par un règlement intérieur où les interdits prédominent » ce qui laisse les personnels en proie à de graves dilemmes lorsqu’un couple se forme. Or, il n’est pas rare que l’amour naisse au sein de ces établissements. « Toutes celles et tous ceux qui ont été amenés à côtoyer longtemps des personnes même très profondément handicapées savent qu’en elles se trouve inscrit le désir d’aimer et d’être aimées » observe le docteur Othon Printz, médecin psychiatre, directeur de la Fondation Sonnenhof à Bischwiller. Aussi, semble-t-il nécessaire de porter un autre regard sur l’aspiration à la sexualité et à l’intimité des personnes handicapées mentales. Il n’est d’ailleurs pas anodin de remarquer à cet égard que l’un des premiers thèmes abordés par les membres de l’association Nous aussi, première organisation fondée par des personnes porteuses de handicap mental (et non par leurs familles) concernait la sexualité.

Les violences sexuelles pourraient toucher une femme handicapée sur deux

Cependant, il semble que la question de la sexualité des personnes handicapées ne doit pas être uniquement abordée en évoquant la prise en compte des désirs des patients. La question de la protection de ces derniers est également cruciale. Face aux abus sexuels dont peuvent être victimes les jeunes handicapés mentaux, Othon Printz note que certaines questions paraissent difficiles à résoudre notamment au sein des institutions. « En établissement à qui appartient il de recueillir les dénonciations ? Qui décide in fine s’il faut transmettre ou non vers l’extérieur ? » énumère-t-il entre autres. Ces interrogations ne sont pas anodines à l’heure où une sordide affaire d’abus sexuels fait la une de l’actualité en Suisse où un travailleur social de 54 ans vient d’être arrêté suspecté d’avoir commis des attouchements, voire des viols sur 122 handicapés et enfants placés dans différents foyers entre 1982 et 2010. Face à une telle horreur, certains notent qu’une fois encore l’éducation sexuelle des personnes handicapées pourrait contribuer à renforcer la prévention. Ainsi, la sexo-pédagogue helvète Catherine Aghte Diserens, interrogée par le Temps remarque : « Les personnes vivant avec un handicap mental ne reçoivent pas d'éducation sexuelle adaptée à leur niveau de compréhension (...). Elles n'ont pas de moyens de comparaison et ne sont pas en mesure de reconnaître si les gestes prodigués à leur égard sont corrects ou non ». Or selon une étude menée en Autriche à la fin des années 90 citée par le Point 64 % des femmes et 50 % des hommes handicapés auraient été victimes de violences sexuelles.

Aurélie Haroche

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