France-Ukraine : le besoin d’aider

Paris, le mardi 22 mars 2022 – Les ministres de la Santé des 27 pays membres de l’Union européenne ont indiqué la semaine dernière qu’ils réservaient 10 000 lits d’hôpitaux pour permettre l’accueil de patients Ukrainiens. Cette annonce connaît en France depuis hier une réalité concrète : vingt enfants atteints de leucémie ont atterri à Orly et ont été pris en charge par des hôpitaux dans toute la France. Ces jeunes enfants accompagnés de leur mère (bien plus rarement de leur père ; les hommes ne pouvant sortir du pays) et parfois d’un frère et/ou d’une sœur ont été accueillis par le ministre de la Santé, Olivier Véran, le ministre délégué aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne et l’épouse du Président de la République, Brigitte Macron. Le premier a insisté : « C’est fondamental d’apporter notre soutien à la population ukrainienne et notamment à celles et ceux qui étaient déjà fragiles avant même la guerre », avant d’assurer que cette « première » serait prochainement suivie d’autres opérations du même type. Peu après leur arrivée sur le tarmac, les enfants ont été conduits en ambulance vers les hôpitaux ayant accepté de les accueillir où ils ont été immédiatement admis, avec comme objectif la poursuite de leur traitement, afin d’éviter une trop longue rupture des soins. Cependant, bien souvent, la prise en charge a été interrompue au cours des derniers jours, en raison de la nécessité pour les familles de s’abriter dans les sous-sols des villes où elles vivaient ou d’entamer de longs trajets pour rejoindre des lieux plus sûrs et/ou la frontière. Outre la mobilisation des équipes médicales, l’accueil en France de ces patients est assuré par de nombreux bénévoles, en particulier de la Croix Rouge, qui prennent en charge les différentes questions logistiques (notamment l’hébergement des familles) et tentent de dépasser la frontière de la langue (grâce à des interprètes… mais aussi à Google traduction !).

Près de 50 tonnes de matériel médical et des dizaines de véhicules envoyés aujourd’hui en Roumanie

L’aide de la France à la population ukrainienne ne s’organise pas uniquement sur notre territoire. Les acheminements de matériels médicaux se multiplient. Ils peuvent être le fruit d’initiatives de particuliers (notamment d’exilés ukrainiens) mais également une réponse plus structurée de l’Etat. Ainsi, le ministère de la Santé vient d’annoncer que vingt-et-une ambulances, seize véhicules de secours et onze d’incendie, ainsi que quarante-neuf tonnes de matériel médical allaient être transportées par camion en Ukraine. Ces équipements devraient arriver dès demain en Roumanie.

Une grande majorité de Français plus que préoccupés

Les images de cette aide apportée à l’Ukraine peuvent contribuer à apaiser l’inquiétude que suscite la situation actuelle dans la population française. Elles permettent en effet d’atténuer en partie le sentiment d’impuissance qui étreint la plupart d’entre nous. Elles demeurent néanmoins insuffisantes à calmer toutes les angoisses. Après deux années marquées par celles liées à l’épidémie de Covid, les Européens et parmi eux les Français se retrouvent en effet confrontés à une situation peut-être encore plus difficile à appréhender. Une enquête réalisée récemment par Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et Sciences Po confirme ainsi que le conflit en Ukraine inquiète 90 % des Français, tandis que 43 % se considèrent même comme « très inquiets ». Conséquences économiques de la guerre, risques d’une extension des combats à d’autres territoires et menace nucléaire constituent les premiers motifs de préoccupation en lien avec l’invasion de l’Ukraine.

Succession de traumatismes

Les résultats de cette enquête reflètent bien les témoignages de nombreux professionnels de santé quant à l’influence de la situation géopolitique sur leurs patients.Je le constate déjà au cours de mes consultations. En ce moment, la grande majorité de mes patients ne me parle que de ça » remarque le Dr  Serge Hefez (psychiatre, hôpital Salpêtrière) dans l’Express. Comme d’autres, il relève par ailleurs que l’anxiété apparaît d’autant plus importante que les années qui viennent de s’écouler ont vu se multiplier les traumatismes (attentats et épidémie de Covid en particulier). Le choc provoqué par cette succession d’évènements est d’autant plus marquant pour des générations qui ont été épargnées par la guerre et qui vivent (à l’exception des difficultés économiques) dans une relative prospérité et tranquillité, avec une foi importante dans le progrès. Dans ce contexte, beaucoup s’inquiètent notamment des répercussions chez les adolescents, déjà fortement touchés par la crise sanitaire.

Abris anti atomiques

Pour tenter de limiter les souffrances psychologiques, les experts préconisent d’éviter une sur exposition aux images des chaînes d’information en continue tout en ne faisant jamais de la guerre un tabou (y compris vis-à-vis des plus jeunes) et de se concentrer sur les activités rassurantes (notamment sociales). La participation à des opérations caritatives peut également limiter le sentiment d’impuissance. Mais d’autres préfèrent agir de façon plus radicale. Ainsi, les demandes concernant la construction d’abris anti-atomiques ont fortement progressé ces derniers jours.  « On enregistre une demande toutes les vingt minutes contre une dizaine par mois d’habitude. Là, on a déjà signé une bonne dizaine de contrats, et ça n’arrête pas », explique interrogé par le Parisien Enzo Petrone, patron d’Amesis Bat. Même constat chez Bünkl dont le président Karim Boukarabila signale une augmentation de 4 000 % du nombre de visites sur son site. Jusqu’à aujourd’hui, les abris anti atomiques demeuraient d’une rareté extrême en France, à la différence par exemple de la Suisse, qui compte assez d’infrastructures pour protéger l’ensemble de sa population (voire un peu plus). « Alors que nous sommes le deuxième pays du monde avec le plus de réacteurs nucléaires, nous avons une protection civile quasi inexistante », commente Mathieu Séranne, dirigeant d’Artémis Protection, qui voit lui aussi son carnet de commande exploser. Si la progression de ces sollicitations constitue sans contexte une opportunité inespérée pour les quelques constructeurs français, elle témoigne surtout d’une certaine désillusion des Français quant à la capacité de l’Etat à les protéger et signale l’ampleur de l’inquiétude qui étreint certains. En espérant que comme souvent la peur soit mauvaise conseillère et inutilement amplificatrice du danger.

Aurélie Haroche

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