
Paris, le samedi 10 novembre 2012 – Il fut un temps où l’on n’avait aucune excuse pour boire du vin… même avec modération. Certes, c’était une époque où l’on ne traquait pas avec autant d’énergie qu’aujourd’hui les mauvaises habitudes alimentaires et leurs effets néfastes sur la santé. Cependant, bien rares était ceux qui auraient pu défendre que le vin était peut être un breuvage bénéfique (à moins de le professer avec un brin de mauvaise foi). L’idée a germé… sur une télé américaine ! Un biologiste français travaillant à Montréal depuis plusieurs décennies, nommé Serge Renaud, jeta sur CBS au début des années 90 les bases de ce qui devait être baptisé plus tard : le « french paradox ». Comment expliquer que la mortalité française par maladie cardio-vasculaire soit plus basse que celle de beaucoup de nos voisins, alors que nos assiettes ne sont pas plus allégées en graisses ? La réponse : le vin. L’idée lui était peut-être venue de ses jeunes années qu’il passa à Cartelègue à 50 km de ...Bordeaux. Mais elle fermenta plus certainement durant ses années passées à Montréal où il découvrit les bienfaits des polyphénols et notamment ceux des tanins et des anthocyanes, très présents dans nos vins rouges.
Du vin au régime crétois
De retour en France, Serge Renaud, devenu directeur de recherche à l’Inserm, et alors déjà âgé de plus de soixante ans s’intéressa à la bonne santé des crétois, déjà constatée dans une étude publiée en 1970. Pour confirmer l’idée d’une influence déterminante de l’alimentation, Serge Renaud mis en place la célèbre Lyon Diet Study. En proposant à des patients ayant été victimes d'un infarctus du myocarde un régime proche de ceux adoptés « naturellement » par les heureux Crétois, Serge Renaud apporta la preuve de l’impact de ces habitudes alimentaires : les malades bénéficiant de ces menus présentèrent en effet une baisse spectaculaire de leur mortalité, comparativement à ceux qui ne varièrent pas le contenu de leurs assiettes. L’histoire ne dit pas si Serge Renaud appliqua les principes qu’il avait mis à jour pour jouir de la belle longévité qui fut la sienne. Un indice peut-être : c’est toujours entouré de vignes, à Carcans-Maubuisson (Gironde) qu’il s’est éteint à l’âge de 84 ans il y a deux semaines. « C’était un homme très clairvoyant, délicat, intelligent, modeste, un homme de conviction, qui aura marqué l’importance de l’approche nutritionnelle en épidémiologie » a commenté dans le quotidien La Croix, Jean-Michel Le Cerf, chef du service nutrition à l’Institut Pasteur de Lille.
Aurélie Haroche