Intérêt du dépistage systématique du mélanome : un contre exemple

La pratique du dépistage systématique du mélanome semble s’étendre. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis 14,5 % de la population a bénéficié d’au moins un examen total de la peau en 2000 et qu’ils étaient près de 20 % dans ce cas en 2010. Si la plupart des agences nationales de santé ne recommandent pas ce dépistage systématique, certains pays l’ont mis en place, avec plus ou moins de succès semble-t-il. 

C’est ainsi qu’en Allemagne, une expérience pilote de dépistage du cancer de la peau a été organisée en 2003 dans l’état de Schleswig-Holstein. Cette campagne proposait, entre juillet 2003 et juin 2004, un examen complet de la peau, réalisé par des dermatologues ou par des médecins non dermatologues qui avaient suivi une formation spécifique. Il n’était pas envoyé d’invitations nominatives, mais il y avait une grande campagne de publicité dans les media. La participation s’est élevée à 20 %. Cinq ans après, la mortalité par mélanome avait chuté de 47 % pour les hommes et 49 % pour les femmes.

Encouragées par ce résultat, les autorités sanitaires ont mis en place, en 2008 et dans le pays entier, un programme de dépistage, offrant un examen complet de la peau à tous les individus de 35 ans à 85 ans. Il était estimé qu’un dépistage tous les deux ans, s’il atteignait les 20 % de participation, réduirait la mortalité par cancer de la peau de 45 % en 20 ans. Des compagnies d’assurances privées s’empressaient de proposer à leurs clients des services supplémentaires (dépistage plus précoce, examens plus fréquents, technologies plus sophistiquées), brouillant un peu les données.

La participation a été supérieure à ce qui était attendu puisqu’elle a atteint 30,8 % et immédiatement après le lancement de la campagne, l’incidence du mélanome a paru augmenter de 29 %. En revanche, pendant les 5 ans qu’a duré la campagne, de 2008 à 2013, la baisse espérée du taux de mortalité ne s’est pas produite, et même les analyses les plus fines n’ont pas permis de détecter aucune tendance en ce sens. A la fin de la campagne de dépistage, le taux de mortalité par cancer cutané est sensiblement le même que celui relevé avant sa mise en route.

Alors, comment expliquer la baisse conséquente annoncée après l’expérience pilote du Schleswig-Holstein ? Les auteurs avancent prudemment l’hypothèse d’une modification des notifications des causes de décès. L’étude pilote du Schleswig-Holstein n’était pas réalisée en aveugle, et il se peut que la participation au programme ait modifié la façon dont les médecins remplissaient les déclarations de décès.

La mortalité par mélanome malin est identique en Allemagne et dans les pays qui l’entourent. Aucune baisse de la mortalité par mélanome n’a été constatée dans ces pays, sauf en Autriche où une réduction de – 0,9 % est notée chaque année depuis 1994.

Dr Roseline Péluchon

Références
Boniol M et coll. : Melanoma mortality following skin cancer screening in Germany
BMJ Open 2015;5:e008158

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Vos réactions (2)

  • Dépistage et prévention, la confusion

    Le 01 octobre 2015

    Le dépistage du mélanome ne sert à rien, seule la prévention compte.
    J'ai eu plusieurs cas, notamment celui d'un confrère et ami. Il s'arrête brutalement de travailler, je lui rends visite, il m'explique qu'il avait eu quelques années auparavant l'exérèse d'un "naevus mélanique". Il me dit : "Tu vois JM, il faut arrêter de dire des bêtises aux gens, de leur raconter qu'il faut surveiller si ça gratte, si ça change de couleur, si ça saigne, etc..., à ce stade c'est trop tard. La seule chose à faire : tu vois un naevus qui risque de faire un mélanome un jour, tu l'enlèves, direct !". Il n'est plus là pour changer d'avis.
    Avant lui j'avais eu un cas marquant, le naevus blanchi : un client vient me faire tâter des ganglions pierreux dans le cou. Chauve, il avait depuis toujours un gros naevus du cuir chevelu, qui, là, s'était rapidement éclairci et avait presque disparu. Décès 4 mois plus tard.
    Un autre, qui pourtant était averti, arrive tout fier : "Docteur, j'ai fait enlever le truc qui vous plaisait pas, sur mon épaule, car le milieu était devenu plus noir, juste un point de 3 mm, je l'ai vu à temps heureusement"... Enorme exérèse, décès un an après.
    La prévention est assez bien répandue dans les médias : fuir le soleil, et montrer ses naevus.
    Je dirais plutôt en souvenir de mon confrère : faire carrément enlever les naevus à risque avant qu'ils évoluent, la surveillance c'est bidon.

    Dr Jean-Marie Malby

  • Réponse à JM Malby

    Le 07 octobre 2015

    Qui définit les naevus à risque avant qu'ils dégénèrent, le patient ? Le médecin ?
    Si un naevus devient à risque qui va le voir ? Le patient ou le médecin qui fait la surveillance ?
    Un patient avec beaucoup de Naevus atypiques, on les enlève tous (100 ou 200 cicatrices y compris sur des zones "esthetiquement" gênante ?
    Il y a des patients à risque de mélanome, c'est bien qu'il le sachent non ? Qu'ils surveillent leur naevus .
    La surveillance permet souvent de détecter des mélanomes moins épais donc de meilleur pronostic (entre décès quasi certain des suites de mélanome malin dans quelques années ou risque de décès faible voir nul des suites, mon choix serait personnellement vite fait )

    A coté de cela, il y a des mélanomes traitres , atypiques, d'évolution très rapide.

    DR Claudine Loubet

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