
Paris, le vendredi 2 novembre 2018 – En lui donnant une image
glamour et raffinée à travers la mode, la publicité, le cinéma ou
la télévision, l’industrie du tabac s’est employée à façonner une
image sociale positive de la cigarette auprès des femmes. Or il a
été démontré que, pour une même quantité de tabac consommée, elles
ont un risque de complications liées à cette addiction plus élevé
que les hommes.
Dans ce contexte et à l’occasion du lancement de l’opération
Mois sans tabac, le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH)
s’est penché sur la question du tabagisme féminin.
Le tabagisme féminin a explosé
Depuis les années 1970, si, chez les hommes, la consommation
de tabac qui concernait alors près de 60 % d’entre eux a quasiment
diminué de moitié, chez les femmes, le tabagisme a, au contraire,
explosé pour se stabiliser autour de 30 % jusqu’au début des années
2000. Après une baisse, la consommation de tabac chez les femmes
est même repartie à la hausse dans la deuxième moitié des années
2000, atteignant de nouveau 30 % en 2010.
En outre, d’autres données montrent que la prévalence du
tabagisme durant la grossesse reste élevée et n’a connu aucune
amélioration depuis 2010. Ainsi, en 2016, 16,2 % des femmes
enceintes continuaient de s’adonner au tabagisme.
Soulignons néanmoins que l’impressionnante diminution du
tabagisme observée entre 2016 et 2017 (de 13 à 12 millions de
fumeurs) semble avoir bénéficié autant aux hommes qu’aux femmes,
bien que ce phénomène n’ait pas encore été pleinement étudié par
les épidémiologistes hexagonaux.
Infarctus du myocarde, BPCO et cancer du poumon ne sont plus des « maladies d’hommes »
Le cancer du poumon, la BPCO et l’infarctus du myocarde ont
longtemps été considérées comme des pathologies presque
exclusivement masculines. Désormais, elles figurent parmi les
principales causes de mortalité féminine.
Aussi, entre 2002 et 2012, le taux standardisé d’incidence du
cancer du poumon a globalement augmenté de 72 % chez les femmes
alors qu’il est resté stable chez les hommes. Concernant les
patients hospitalisés pour une exacerbation de BPCO, le taux a
doublé chez les femmes entre 2002 et 2015 alors qu’il n’a augmenté
que de 30 % chez les hommes. Pour l’infarctus du myocarde, on
observe une hausse de plus de 50 % du taux de femmes hospitalisées
pour infarctus du myocarde, contre 16 % chez les hommes.
Concernant la mortalité, celle de la BPCO a augmenté de 3 %
chez les femmes entre 2000 et 2015 alors qu’elle a diminué de 21 %
chez les hommes et celle par cancer du poumon a augmenté de 71 %
alors qu’elle a diminué de 15 % chez les hommes.
Contrairement aux deux pathologies précédentes, la mortalité
par infarctus du myocarde est restée orientée à la baisse chez les
hommes et les femmes entre 2000 et 2015 grâce aux formidables
progrès médicaux obtenus en la matière.
Au total, si, en 2014, la fraction de décès attribuables au
tabac était estimée à 20 % pour les hommes et à 7 % pour les
femmes, le pourcentage de décès attribuables au tabac chez les
femmes a montré une très forte progression depuis l’année 2000,
avec un taux de croissance annuel moyen continu de 6 % entre 2000
et 2014 (contre une baisse de 1 % par an pour les
hommes).
Vers une prise en charge différenciée selon le sexe ?
Des études récentes font apparaître de plus en plus
clairement, que l’addiction au tabac, sur le plan physiologique et
psychologique, et la prise en charge du sevrage sont différentes
selon le sexe.
Rappelons ainsi, pour ne citer qu’elle, une méta-analyse de 32
études, publiée par la revue de référence en tabacologie
Nicotine & Tobacco Research en mars 2017 qui mettait en
évidence que, chez les femmes, la varénicline était plus efficace
que les substituts nicotiniques, contrairement à ce qui est
constaté chez les hommes.
Ces travaux concluaient que « les cliniciens devraient
considérer la varéniciline comme la première option de traitement
pour les femmes » dans le sevrage tabagique (1).
Frédéric Haroche