Nouveaux médicaments anti-hépatite C : le gouvernement sort l’artillerie lourde

Paris, le mardi 30 septembre 2014 – Le prix des nouveaux antiviraux à action directe (AAD) indiqués contre l’hépatite C et qui permettent d’atteindre un taux de guérison dépassant les 90 % est l’objet de controverses depuis plusieurs mois. En ligne de mire notamment, le coût du Sovaldi (sofosbuvir) commercialisé par les laboratoires Gilead. Aujourd’hui, dans le cadre de l’Autorisation temporaire d’utilisation (ATU), une cure est facturée 56 000 euros. Un tel prix représente un poids important pour les dépenses de l’Assurance maladie  (à court terme tout au moins): il a été estimé que la prise en charge de 55 % des patients atteints d’hépatite C chronique en France équivaudrait au budget annuel de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris. Aussi, les autorités sanitaires sont-elles incitées à restreindre pour l’heure les indications. La Haute autorité de Santé (HAS) a ainsi publié cet été des recommandations affirmant qu’il n’y avait pas lieu de préconiser une utilisation précoce de ces traitements, allant l’encontre des conclusions de la plupart des sociétés savantes et des préconisations d’autres pays (tel le Québec). Cependant, d’autres états ont suivi une orientation semblable à celle de la France : la Grande-Bretagne restreint ainsi drastiquement les indications.

Une concurrence bienvenue et astucieuse

Cette situation est fortement dénoncée par l’ensemble des associations de patients qui depuis plusieurs mois pressent le gouvernement d’agir afin que le traitement puisse être accessible au plus grand nombre. Des négociations en vue de la fixation du prix définitif ont bien été ouvertes avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) qui dispose en théorie de 180 jours pour se prononcer. Si les premières discussions ont été difficiles, le CEPS espère pouvoir prochainement utiliser l’argument de la concurrence pour faire baisser les demandes de Gilead. En effet, l’américain Abbvie qui commercialise l’association Viekiurax et Exviera vient de déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France ainsi qu’une demande d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) au cours de laquelle il offre une mise à disposition gratuite de son traitement. Pour l’heure, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n’a pas encore donné de réponse définitive à Abbvie mais si elle était positive, elle pèserait sans doute fortement sur les négociations entre le CEPS et Gilead.

Une contribution spéciale Gilead ?

Sur le terrain plus politique, la France aurait espéré bénéficier d’une union européenne, mais là encore les discussions rivalisent de lenteur. Aussi, vient-elle de présenter, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la mise en place d’un mécanisme exceptionnel. Il s’agit de soumettre les laboratoires commercialisant les nouveaux AAD à une contribution particulière en cas de dépassement d’un chiffre d’affaires total dévolu au traitement de l’hépatite C. Cette contribution sera progressive et sera « à la charge des entreprises exploitant les médicaments les plus contributeurs à la dépense », indique le projet de loi. Il est également précisé que cette taxe pourrait s’appliquer dès 2014, si le chiffre d’affaires alloué au traitement de l’hépatite C dépassait 450 millions d’euros. Or, on sait que depuis le début de l’année la facture s’élève déjà à 440 millions d’euros et pourrait frôler le milliard ! Pour 2015, le seuil à ne pas dépasser pourrait être fixé à 700 millions d’euros.

Quid de l’innovation ?

Ce mécanisme dévoilé hier pourrait avoir le mérite de rassurer les associations quant à la volonté du gouvernement d’agir rapidement. Plusieurs remarques s’imposent cependant. Il faudra tout d’abord s’assurer que les plafonds fixés pour 2015 permettent réellement une extension des indications. Ensuite, d’un point de vue législatif, il n’est pas exclu qu’une telle contribution « exceptionnelle », soit retoquée par le Conseil constitutionnel au nom de l’égalité des citoyens face à l’impôt. Enfin, s’il est certain qu’un tel mécanisme freinera durablement les prétentions de certains laboratoires, existe-t-il un risque de voir freiner l’innovation ? Une telle taxe ne pourrait-elle être ressentie comme une sanction pour la mise au point de médicaments innovants et efficaces ? Il est en tout cas certain que les autres laboratoires s’inquiètent déjà de la création d’un tel mécanisme, dont ils redoutent qu’il puisse s’appliquer à d’autres pathologies. Cependant, à court terme, on se félicite in petto de ce régime particulier : l’explosion des dépenses que ne manquera pas de provoquer l’arrivée des nouveaux AAD n’entraînera pas en effet de sanctions collectives.

Le Québec à contre courant ?

On relèvera qu'au Québec, les « prix » élevés exigés par Gilead n’ont pas nécessairement été vécus comme exagérés : eu égard aux économies que le Sovaldi va permettre de réaliser en terme de prise en charge des patients atteints d’hépatite C chronique, son prix a été fixé à 84 000 dollars canadiens.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (2)

  • Prix fonction des frais engagés pour l'achat du laboratoire

    Le 08 octobre 2014

    Qu'on se rassure sur l'éventuel frein à l'innovation que constituerait une taxe, ce n'est pas l'innovation que Gilead nous fait payer, mais le prix de la spéculation financière et des frais engagés pour l'achat du laboratoire qui a mis au point le Sovaldi. Ce médicament serait très certainement d'un prix plus abordable s'il avait été commercialisé par son laboratoire d'origine.
    Il n'y a pas de frein à l'appât du gain.

    Francine de Salvador

  • Prix du sofosbuvir

    Le 09 octobre 2014

    Coût de production d'une traitement par sofosbuvir = environ 100 €.
    La recherche des traitements anti HCV est en (grande ?) partie financée par les deniers publics.
    Prix d'un traitement demandé par le laboratoire pharmaceutique = 60000 €.

    Dr Patrice Vernusset



    Cherchez comment appeler le comportement de ce laboratoire...
    Dr Patrice Vernusset

Réagir à cet article