
Paris, le mercredi 27 mai 2015 – Les groupes anti-vaccination se rangent régulièrement derrière des "sommités médicales", brandies comme des arguments d’autorité, pour diffuser leurs thèses plus que contestables. Le professeur Henri Joyeux, cancérologue, ancien président de l’association Familles de France est à cet égard un candidat idéal. Depuis plusieurs années, le praticien multiplie les "contributions" aux discours contre la vaccination. Pour ce faire, il n’hésite pas à s’associer à l’Institut belge pour la protection de la santé naturelle, dont la scientificité a été contestée plus d’une fois.
Pénurie et système D
Dans son dernier coup d’éclat, le professeur Henri Joyeux apparaît, bonhomme et rassurant, dans une vidéo hébergée par le site du fameux Institut, où il explique les dangers actuels concernant la vaccination contre la polio, la diphtérie et le tétanos. On le sait, ces trois vaccinations sont obligatoires. On assiste cependant aujourd’hui à une pénurie des vaccins tétravalent (+ coqueluche) et pentavalent (+ coqueluche et Hib). Cette situation laisse les parents face à deux possibilités : utiliser le vaccin hexavalent (même composition que le pentavalent auquel s’ajoute l’hépatite B) ou commander gratuitement un kit DT-vax + imovax polio. Par ailleurs, certaines PMI conservent quelques doses de vaccins tétravalent et pentavalent.
Danger imminent
En dépit des multiples options qui s’offrent aux parents (qu’il semble ignorer), le docteur Henri Joyeux n’hésite pas à crier au scandale, jurant que le vaccin hexavalent représente une menace importante pour les jeunes enfants. Il affirme tout d’abord que la vaccination concomitante contre six maladies ne relève pas du bon sens, il évoque la présence d’aluminium et de formaldéhyde dans le vaccin et affirme une nouvelle fois que la protection contre l’hépatite B favorise le développement de sclérose en plaques. Il ajoute même que celle-ci semble inutile chez les nourrissons s’agissant d’une maladie sexuellement transmissible.
Les premiers bénéficiaires sont les enfants
Ces arguments répétés à l’envi par les détracteurs des vaccins mais qui pourraient gagner une dimension différente en raison de la personnalité d’Henri Joyeux ont de fait séduit près de 400 000 personnes qui ont signé une pétition appelant à une réponse des autorités afin que les familles ne soient plus "contraintes" d’user d’un produit si "dangereux". Heureusement, certains scientifiques sont montés au créneau pour répondre à ces inepties, qui on le voit connaissent un assez large écho. Anonymement, deux scientifiques animant le blog « Rougeole Epidémiologie » répondent point par point au docteur Henri Joyeux. Elles rappellent ainsi tout d’abord que la qualité de cancérologue du praticien ne lui confère aucune expertise particulière en immunologie ou épidémiologie. Elles balaient les arguments concernant l’aluminium indiquant une énième fois que le lien entre cette substance présente dans les vaccins et la myofascite à macrophage n’a jamais été prouvée. De même, elle rappelle que le risque de SEP après vaccination contre l’hépatite B n’a jamais été confirmé. Elles concluent encore que les premiers bénéficiaires de l’Infantrix hexavalent sont les enfants, quand Henri Lejoyeux soupçonne des intérêts financiers.
A armes égales ?
La réponse, exhaustive, a le mérite d’exister mais il est probable que le texte des deux scientifiques aient connu une visibilité bien moins large auprès du grand public. En outre, l’anonymat des deux praticiens (qui confirme s’il en était besoin la violence des débats avec les groupes anti vaccination) amoindrit la portée du discours. La bataille est loin d’être terminée.
Aurélie Haroche