
L’ARN messager constitue à n’en pas douter l’une des
technologies les plus prometteuses dans le domaine de la recherche
médicale. Les vaccins contre la Covid-19 ne devraient être que la
première d’une longue série d’utilisations de cette technologie.
Ugur Sahin et Ozlem Tureci, un couple de médecins allemands
d’origine turque, ont été parmi les premiers à croire au potentiel
révolutionnaire de l’ARNm.
En 2008, ils ont créé la société BioNTech, une start-up
spécialisée dans le développement de traitements à base d’ARNm. La
mise au point fin 2020 d’un vaccin à ARNm contre la Covid-19 (en
partenariat avec le géant américain Pfizer) qui sera le plus
employé dans le monde (3 milliards de doses administrées en 2021)
leur aura valu la célébrité, la reconnaissance de leurs pairs et
accessoirement une immense fortune (celle d’Ugur Sahin est estimée
à 4 milliards de dollars).
Du cancer à la Covid-19 et vice et versa
Aujourd’hui, le couple de chercheurs ne veut pas s’arrêter à
ce premier succès. Dans une interview accordée à la BBC ce
dimanche, ils ont annoncé actuellement travailler sur le
développement d’un vaccin à ARNm contre le cancer. Un choix logique
puisque les deux fondateurs de BioNTech sont oncologues de
formation et que leur société avait au départ pour objectif de
développer des thérapeutiques contre le cancer.
« Ce que nous avons développé pendant des décennies pour la
mise au point de vaccins contre le cancer a été le moteur de la
conception de celui contre la Covid-19 et maintenant le vaccin
Covid-19 et l’expérience que nous avons acquise rendent service à
notre travail sur le cancer » explique Ozlem Tureci. Le vaccin
contre le cancer de la société BioNTech fonctionnerait selon le
même processus que celui contre la Covid-19 en permettant aux
cellules de fabriquer les protéines des cellules cancéreuses et
ainsi stimuler le système immunitaire.
Moderna contre BioNTech : la bataille de l’ARN est engagée
« Nous pensons qu’un traitement contre le cancer ou du
moins pour changer la vie des patients atteints de cancer est dans
nos cordes » avance encore le couple de chercheurs, évoquant le
développement d’un vaccin « avant 2030 ». Ils ont toutefois
tout de suite tenu à nuancer les attentes du public, expliquant que
la recherche scientifique était un domaine plein d’incertitudes,
surtout lorsque de nouvelles technologies sont
concernées.
« Les scientifiques tendent à montrer de l’humilité parce
que la nature et la biologie ont tellement de secrets et on ne
prend conscience de cela que lorsqu’on rentre sur ce territoire
inconnu que nous explorons depuis maintenant trois décennies »
a tenu à rappeler Ozlem Tureci.
Mercredi dernier, c’était le laboratoire américain Moderna,
l’autre spécialiste mondial de l’ARNm, qui annonçait être en train
de développer un vaccin contre le cancer en partenariat avec la
firme américaine Merck. Rappelons d’ailleurs que fin août, Moderna
a accusé Pfizer et BioNTech d’avoir utilisé sans autorisation sa
technologie brevetée permettant de développer des vaccins à ARNm et
a entamé une procédure judiciaire à leur encontre.
« Nous lançons ces poursuites pour protéger la plateforme
technologique innovante d’ARN messager que nous avons lancée, pour
laquelle nous avons investi des milliards de dollars » avait
expliqué à l’époque le PDG de Moderna Stéphane Bancel.
Quentin Haroche