
Paris, le lundi 23 janvier 2023 – La Cour de Cassation a jugé que le délit de mise en danger de la vie d’autrui ne pouvait être retenu contre l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Trois ans après le début de l’épidémie de Covid-19 en France, le spectre d’un éventuel procès des ministres devant la Cour de Justice de la République (CJR), seule juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement, semble s’éloigner. Ce vendredi, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation, sa formation la plus solennelle, a annulé la mise en examen de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn pour mise en danger de la vie d’autrui, prononcée par la commission d’instruction de la CJR le 10 septembre 2021. La plus haute juridiction française a par ailleurs annulé plusieurs auditions de membres du gouvernement qui n’ont été menées que par un ou deux membres de la commission d’instruction et non par les trois comme le prévoit la loi.
Dans sa décision de vendredi, la Cour de Cassation explique que, en raison de sa définition extrêmement précise, « le délit de mise en danger de la vie d’autrui ne peut être reproché à une personne que si une loi ou un règlement lui impose une obligation particulière de prudence ou de sécurité ; cette obligation doit être objective, immédiatement perceptible et clairement applicable ». Or, les magistrats ont retenu que, en l’espèce, une telle obligation particulière de prudence et de sécurité ne s’imposait pas à l’ancienne ministre. « Aucun des textes auxquels s'est référée la commission d’instruction pour mettre en examen l’ancienne ministre de la santé ne prévoit d’obligation particulière de prudence ou de sécurité » conclut la Cour.
Agnès Buzyn et Edouard Philippe restent témoins assistés
Comme le veut la procédure pénale, l’annulation de cette mise en examen a pour effet d’attribuer automatiquement à l’hématologue le statut de témoin assisté, statut qui s’applique déjà à elle pour le délit d’ « abstention volontaire de combattre un sinistre ». La Cour de Cassation précise dans sa décision qu’ « en l’état, l’ancienne ministre ne peut pas être renvoyée devant la CJR pour y être jugée ». Rappelons que l’ancien Premier Ministre Edouard Philippe a également été placé sous le statut de témoin assisté pour les deux mêmes délits.
Dès juillet 2020, la CJR a ouvert une enquête sur la manière dont le gouvernement s’était préparé à la pandémie de Covid-19 dans les premiers mois de l’année 2020. Il a ainsi rapidement été reproché à Agnès Buzyn de n’avoir pas su suffisamment anticiper le risque d’une épidémie, malgré les alertes venant de Chine, notamment en ne demandant pas le renouvellement des stocks de masques, qui sont rapidement apparus insuffisants. Le 24 janvier 2020, elle avait affirmé que « les risques de propagation du coronavirus sont très faibles », des propos évidemment très malheureux a posteriori, avant de quitter son poste en pleine épidémie le 16 février pour se lancer dans la campagne des municipales à Paris.
L’ancienne ministre charge Macron et Philippe
Depuis, l’ancienne ministre a multiplié les déclarations fracassantes, accusant Edouard Philippe et Emmanuel Macron d’avoir ignoré ses nombreux signaux d’alerte sur la gravité potentielle de la pandémie. « Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine, le 11 janvier, j’ai envoyé un message au Président de la République sur la situation, le 30 janvier j’ai averti Edouard Philippe que les élections municipales ne pourraient sans doute pas se tenir » expliquait-elle dès mars 2020 dans une interview accordée au journal Le Monde en plein confinement.
Sa mise en cause devant la CJR est pour elle une injustice. « J’ai apporté toutes les preuves qu’on a anticipé et géré au mieux, en vain (…) imaginer que les magistrats aient pu penser une seule seconde que je n’ai pas mis toute mon énergie à essayer d’éviter le pire, c’est insupportable » disait-elle en septembre dernier.
Après son échec aux municipales, le Dr Buzyn a repris du service à l’hôpital militaire de Percy, avant de rejoindre l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en janvier 2021. Depuis septembre dernier, elle est conseillère maître à la Cour des Comptes.
Nicolas Barbet