Ce qu'il faut savoir sur la pioglitazone dans la LMC

La nouvelle a fait le tour du monde à la fin de la semaine dernière et a donné lieu à une conférence de presse. Le JIM se devait de revenir pour vous à la source de l'information, une publication dans Nature sur les effets d'un antidiabétique oral, retiré du marché français, sur la leucémie méyloïde chronique (LMC).   

La LMC est un syndrome myéloprolifératif lié à l’activité tyrosine kinase dérégulée de la protéine oncogénique BCR-ABL. Cette protéine est le résultat d’une anomalie génétique lié à une translocation chromosomique (t(9;22)(q34;q11)). Cette unique anomalie entraîne une prolifération des cellules souches myéloïdes sans affecter leur capacité à se différencier.

Sans traitement, la LMC est de très mauvais pronostic avec une évolution péjorative vers une leucémie aiguë. Ces dernières années des inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase de BCR-ABL, tels que l’imatimib (Glivec®, Novartis Pharma),  ont permis une amélioration majeure de la survie des patients atteints de LMC. Cependant, moins de 10 % des patients parviennent à une réponse complète à l’échelle moléculaire, définie comme l’absence de transcrit de BCR-ABL détectable dans le sang. Malgré le traitement par imatimib (et d'autres inhibiteurs de tyrosine kinase de nouvelles générations, une population de cellules souches leucémiques demeure et expose le patient à un risque de rechute en cas d’arrêt du traitement.

La pioglitazone agit sur les cellules CD34+ ne se divisant pas

Les équipes française de Stéphane Prost, Philippe Leboulch et Philippe Rousselot ont pu travailler sur les cellules provenant d’une cohorte de 29 patients souffrant de LMC et prélevés au moment du diagnostique. Chez ces patients plus de 95 % des cellules immatures (CD34+) portaient l’anomalie génétique décrite ci dessus. Prost et coll. ont choisi de tester sur cette cohorte l’effet du pioglitazone, un agoniste du récepteur PPARγ utilisé dans le diabète de type 2. Dans des expériences visant à retarder la prolifération des cellules souches immature CD34+, l’imatimib diminue drastiquement le nombre de cellules se divisant et se différenciant. Il laisse néanmoins intact un pool de cellules n’ayant pas proliférées. Le pioglitazone à l’inverse ne semble affecter que cette population de cellules CD34+ ne se divisant pas. L’effet synergique de ces deux molécules permet donc de dépléter la majorité des cellules leucémiques.

Un mécanisme d'action "génétique"

La prolifération des cellules souches dans la LMC est permise par l’activation de STAT5 phosphorylé par BCR-ABL. Il apparaît que la pioglitazone agit lentement en réduisant le niveau de STAT5 dans les cellules. Cette action sur STAT5 permet de diminuer l’expression de gènes, tels que HIF2α et CITED2. Ce dernier gène est clé pour maintenir la quiescence des cellules souches hématopoïétiques et est particulièrement exprimé chez les cellules souches CD34+ résistantes à l’imatimib.

Des effets favorables sur 24 patients

L’usage de la pioglitazone, comme thérapie adjuvante à l’imatimib, a permis d’obtenir une réponse complète à l’échelle moléculaire chez trois patients traités depuis plusieurs années par imatimib et qui n’avaient jamais atteint cet objectif thérapeutique. Chez ces patients, l’usage de la pioglitazone n’a pas excédé une année. L’absence de transcrit de BCR-ABL s’est maintenue dans le temps (recul de 4,7 ans) et ce malgré l’arrêt de l’imatimib chez un malade. Ces données ont été confirmées dans un essai clinique incluant 24 patients n’ayant jamais atteint une réponse complète à l’échelle moléculaire. Parmi ceux ci 57 % avaient des niveaux indétectables de BCR-ABL après 12 mois.

Ces résultats, qui méritent bien sûr d'être confirmés par d'autres équipes, sur un plus grand nombre de patients, peut-être dans le cadre d'un essai randomisé, encouragent à l’utilisation d’une thérapie combinée imatimib/pioglitazone chez les patients souffrant de LMC. Cette association, potentiellement curative, pourrait permettre d’arrêter la prescription au long cours d’imatimib.

Un produit potentiellement très efficace mais non disponible en France

On peut cependant émettre une réserve. La pioglitazone (Actor®, Takeda), utilisé primitivement dans le diabète de type 2, a été retiré du marché français en 2011 par l'agence régulatrice en raison d'un risque accru de développer un cancer de la vessie. Le retrait du marché français a d'ailleurs conduit à l'arrêt de ce traitement expérimental chez 7 patients.

Cette décision d'interdiction n'a pas été suivie par toutes les agences nationales du médicament puisque la pioglitazone est toujours commercialisée dans son indication primitive dans d'autres pays notamment aux Etats-Unis.

Le bénéfice médical de la pioglitazone devra donc être reconsidéré rapidement dans la LMC, en prenant en compte la durée d’exposition faible (inférieure à une année) proposée ici.

Raphaël Bernard-Valnet

Référence
Prost et coll. : Erosion of the chronic myeloid leukaemia stem cell pool by PPARγ agonists. Nature. 2015. Publication en ligne le 2 septembre 2015. doi:10.1038/nature15248

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Vos réactions (1)

  • Pioglitazone en tant que traitement adjuvant associé aux ITK

    Le 24 novembre 2016

    Une révolution en perspéctive !

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