A l’heure des applications mobiles et des logiciels en tout
genre, sur fond d’internet des objets et de télémédecine, les
innovations plus ou moins heureuses se multiplient, cependant que
les pratiques médicales s’adaptent ou se transforment. Évaluations
et interrogations sont à l’évidence au programme et deux exemples
vont illustrer la problématique actuelle.
En premier lieu, il faut reconnaître que le diagnostic des
arythmies cardiaques peut, dans certains cas, relever du défi, du
simple fait de leur caractère transitoire, voire éphémère. A cet
égard, l’enregistrement ECG par l’intermédiaire d’un smartphone a
déjà fait l’objet d’études centrées sur la fibrillation auriculaire
(FA). Qu’en est-il pour d’autres arythmies elles aussi fréquentes
?
Évaluation de l’application mobile Alivecor
C’est à cette question que répond une étude visant à évaluer
les performances diagnostiques de l’application mobile dite AECG
(Alivecor smartphone-based ECG) (1). Ont été inclus 73
patients (dont 57 de sexe masculin, âge moyen de 72 ± 14 ans) tous
hospitalisés en raison d’arythmies diverses et variées ou encore de
troubles de la conduction : FA, tachycardie atriale/flutter (TA),
rythme sinusal avec extrasystoles auriculaires fréquentes (ESA) ou
extrasystoles ventriculaires fréquentes (ESV), tachycardie sinusale
> 120 bpm , bradycardie sinusale < 40 bpm, bloc
auriculoventriculaire (BAV) de haut degré, tachycardie
jonctionnelle par réentrée intranodale (TJRI) ou encore tachycardie
ventriculaire (TV). Chez tous les participants, un ECG à 12
dérivations a été systématiquement enregistré. La lecture de la
dérivation unique obtenue avec l’application AECG a été confiée à
quatre rythmologues.
Pour ce qui est bradyarythmies, la sensibilité et la
spécificité d’AECG ont été estimées respectivement à 75-95 % en cas
de bradycardie sinusale, versus 52-98 % en cas de BAV de
haut degré.
Pour ce qui est des tachyarythmies auriculaires, sensibilité
et spécificité ont varié selon leur type : ESA (75-95 %), FA (82-
87 %) et tachycardie sinusale (86-98 %). La sensibilité s’est
avérée plus faible en cas de TA (49-83 %) ou encore de TJRI (10-99
%), la confusion entre ces deux arythmies étant
fréquente.
En cas de tachyarythmies ventriculaires, sensibilité et
spécificité ont été estimées à 70-95 % pour les ESV, versus
89-100 % pour les TV.
L’application mobile AECG fait preuve d’une exactitude notable
dans le diagnostic de la bradycardie sinusale, de la tachycardie
sinusale ou encore d’autres arythmies à type d’ESA, d’ESV, de FA et
de TV. Les performances sont moins bonnes pour le BAV de haut
degré, mais aussi la TA et la TJRI pour lesquelles la sensibilité
est faible, avec une confusion très fréquente entre l’une et
l’autre.
Évaluation de la surveillance à distance des dispositifs cardiaques implantables
Une autre étude (2) s’est attachée à évaluer l’utilisation en
routine de la surveillance à distance (SAD) des dispositifs
cardiaques implantables (DCI). A cette fin, en novembre 2017, un
questionnaire à choix multiple a été envoyé par courrier
électronique à cent médecins français spécialisés dans la pose de
DCI.
Le taux de réponses a été de 73 %, dont la majorité (75 %) en
provenance de médecins exerçant dans des centres publics,
versus 23 % dans des centres privés. L’activité des centres
participants a été estimée à partir du nombre de défibrillateurs
automatiques implantés chaque année : > 100 (63 % des centres),
50 à 100 (24,7 %), < 50 (6,8 %) ou aucun (5,5 %). Le nombre de
patients suivis par SAD a a été ainsi réparti: > 1000 (9,6 %),
500-1000 (27,4 %), 200-500 (41,1 %), < 200 (18 %).
En pratique, 21,4 % des praticiens n’utilisaient la SAD que
pour les défibrillateurs automatiques implantables, alors que la
majorité (78,1 %) y avait recours pour tous les types de DCI.
Cependant, 80 % de ces médecins proposaient la SAD à la plupart des
patients et, dans 85 % des cas, le consentement éclairé de ces
derniers était obtenu avant l’activation du processus de contrôle.
L’enregistrement sur site de la livraison a été réalisé
principalement par l’équipe paramédicale (68 %) et moins souvent
par l’ingénieur biomédical (25 %) ou encore le médecin lui-même
(4,1 %). Le suivi a été assuré par l’équipe paramédicale en
collaboration avec le médecin (68,5 %) ou par ce dernier seul (26
%). Dans leur majorité (71,3 %), les praticiens communiquaient leur
numéro de téléphone aux patients, cependant que les horaires
d’ouverture du centre n’étaient fournis que moins d’une fois sur
deux (42,5 %). Au cours du programme de suivi, un rapport
spécifique propre à la SAD n’a été systématiquement créé que
dans 42,5 % des cas et l’information n’a été transmise qu’en cas
d’alerte significative, soit moins d’une fois sur trois (30,1 %).
Un rapport par PDF non spécifique n’a été que très rarement envoyé
(8,2 %). Les données ont été archivées dans la plupart des cas
(76,7 %), mais de manière exhaustive moins d’une fois sur deux
(43,8 %).
Dr Philippe Tellier