La quarantaine, au temps du Covid-19

L’usage de la « quarantaine » serait apparu pour la première fois à Venise, en 1127. Il s’agissait alors de se prémunir contre la lèpre. Cette forme de confinement fut ensuite largement reprise au cours des épidémies de peste noire qui traversèrent l’Europe médiévale. Plus près de nous, des mesures de quarantaine ont été activées en Chine et au Canada lors de l’épidémie de SRAS (Severe acute respiratory syndrome) de 2003 et dans des villages entiers de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest pendant l‘épidémie d’Ebola de 2014. Le mot est aujourd’hui sur toutes les lèvres dès qu’est abordé le COVID-19, les mises en quarantaine se multipliant autour de la planète pour les personnes ayant pu être en contact avec l’infection.

Il faut savoir que la mise en quarantaine peut être une expérience éprouvante pour ceux qui en sont l’objet et les effets d’une quarantaine « de masse » doivent être soigneusement pesés. C’est la raison pour laquelle une équipe du Royaume-Uni vient de réaliser, en urgence, une méta-analyse des travaux publiés sur l’impact psychologique de la quarantaine. Au total 24 articles ont été retenus. Ils concernaient des quarantaines passées à domicile ou dans des structures dédiées.

Des signes de stress post-traumatique ne sont pas rares après une quarantaine

Ces travaux relèvent dans leur grande majorité des effets psychologiques négatifs de la quarantaine. Ils rapportent notamment un risque élevé de stress post-traumatique, qui peut aller jusqu’à concerner une personne sur 4 dans certaines études. La dépression, le stress, la tristesse, l’irritabilité, des troubles du sommeil, la colère ou l’épuisement émotionnel sont fréquemment évoqués.

Si la présence de ces troubles pendant la quarantaine n’est pas vraiment une surprise, plus inquiétant est le fait qu’ils peuvent persister à distance, des mois, voire des années plus tard. Ces symptômes de stress post-traumatique  sont constatés chez certaines personnes au delà de 3 ans après la fin de l’isolement. Une étude retrouve des symptômes d’anxiété persistant 6 mois après, chez 3 % des personnes, et un sentiment de colère chez 6 %.

Des travaux menés sur des professionnels de santé révèlent des conduites d’évitement fréquentes après une quarantaine, fuite des contacts avec les patients, voire du travail lui-même. Une étude chez des soignants mis en quarantaine au moment du SRAS montre que 54 % d’entre eux évitaient ensuite les patients qui toussaient, 26 % évitaient les endroits très fréquentés et 21 % les places publiques, dans les semaines ou les mois suivant la quarantaine.

Plusieurs facteurs aggravants

Des facteurs aggravants sont toutefois identifiés. La durée de la quarantaine notamment : au-delà de 10 jours, le risque est plus élevé. D’autres facteurs peuvent être associés aux troubles constatés : la crainte de l’infection, la frustration et l’ennui liés au confinement, des ravitaillements insuffisants (alimentation, eau, vêtements, etc.) et une information inadaptée (un manque de clarté concernant les risques encourus pousse les participants à craindre le pire). Après la quarantaine, les troubles sont entretenus par les problèmes financiers engendrés par l’absence du travail pendant la durée de la quarantaine. Certains sujets se plaignent de la stigmatisation dont ils font l’objet au sortir de la quarantaine, parfois même de la part de leur entourage proche.

Valoriser l’altruisme pourrait améliorer l’acceptation

La durée possible de ces troubles justifie certaines précautions. Pour les auteurs, si la mesure de quarantaine est jugée nécessaire, l’expérience doit être la moins traumatisante possible. Ils évoquent quelques pistes. Il s’agit tout d’abord de fixer la durée de quarantaine la plus courte possible et d’expliquer en permanence aux personnes concernées la nature des risques et les raisons de cette mesure de confinement. Les autorités sanitaires doivent s’assurer que les personnes assignées à leur domicile ne manquent de rien et soient ravitaillées le plus rapidement possible en cas de besoin. Des conseils pour lutter contre l’ennui peuvent être nécessaires pour certaines personnes, et les moyens d’améliorer les communications à distance fournis à tous. Pour les auteurs, renforcer chez les personnes en quarantaine l’idée que leur confinement est bénéfique pour la santé des autres peut favoriser le sentiment d’altruisme et une meilleure acceptation de l’isolement.

Dr Roseline Péluchon

Référence
Brooks SK. Et coll. : The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence. Lancet 2020 ; Publication avancée en ligne le 26 février. doi: 10.1016/S0140-6736(20)30460-8.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article