Bien plus qu’un simple geste de la main

Colombus, le samedi 5 juillet 2014 – Permettre aux tétraplégiques de retrouver la possibilité de se mouvoir n’est plus une utopie médicale depuis plusieurs décennies. Différentes pistes sont en effet exploitées pour permettre à ces lourds handicapés d’effectuer de nouveau des mouvements. Le recours aux cellules souches est notamment à l'étude, tandis que d’autres équipes ont préféré exploiter le potentiel de la stimulation électrique. Ainsi, à la Case Western University de Cleveland, à la fin des années 90, Hunter Peckam et John Donoghue parvenaient à restaurer les mouvements des membres supérieurs chez un tétraplégique, grâce à un réseau d’électrodes  destiné à reconnecter son cerveau à ses muscles. Cependant, un tel dispositif ne peut fonctionner que si le patient a pu conserver un certain contrôle sur ses muscles (ce qui dépend du type et de la localisation de la lésion médullaire). Néanmoins, cette expérience avait été considérée comme un premier pas vers la naissance d’un « homme bionique ». D’ailleurs, Hunter Peckham estimait que l’aboutissement de ses travaux serait la mise au point de dispositifs capables de traduire les signaux électriques émis par le cerveau afin de les retranscrire en impulsion stimulant directement les muscles. 

Faire sortir la pensée du corps…

Dès le début des années 2000, plusieurs équipes franchirent une nouvelle étape sur cette voie. Grâce à une préparation minutieuse, elles parvinrent à faire contrôler par la pensée par des personnes paraplégiques ou tétraplégiques différents robots. Des logiciels ont en effet été mis au point qui parviennent à transformer les signaux électriques émis par le cerveau en ordre « intelligible » pour des « machines ». Cependant, pour ce faire, un « entraînement » des sujets volontaires est toujours nécessaire. Grâce à de tels systèmes, une poignée d’hommes et de femmes à travers le monde ont pu faire se déplacer des robots, des prothèses et très récemment un exosquelette – lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde de Football au Brésil.

… afin qu’elle puisse agir sur le corps

Avec l’expérience réalisée au Wexner Medical Center de l’Université de l’Ohio, c’est désormais le corps même du patient qui a pu être mis en mouvement. Le patient qui s’est prêté à cette première est tétraplégique depuis quatre ans, après un dramatique plongeon dans les vagues de Caroline du Nord. Ian Burkhal a 23 ans et a accepté de se faire implanter dans le cerveau une puce, baptisée Neurobridge, destinée à recueillir les signaux émis par son cerveau. Le lieu de l’implantation a été très minutieusement choisi par l’équipe de Chad Bouton et les neurochirurgiens Milind Deogaonkar et Ali Rezai. Les praticiens ont en effet analysé l’activité cérébrale de Ian Burkhal en train de penser au fait de bouger ses membres. Ainsi, ont-ils choisi une implantation permettant à la puce d’être un lien direct entre le cerveau et les muscles.

Une sensation d’espoir

Cette puce est directement reliée par un câble à un ordinateur ; ledit câble étant littéralement vissé sur le crâne de Ian. L’ordinateur décode les signaux électriques émis par le cerveau, autrement dit les pensées du patient commandant à son corps de bouger. Puis, ces signaux sont transformés en impulsion électrique, retransmise à une manche d’électrodes installée sur le bras de Ian Burkhal, réseau d’électrodes lui-même connecté à l’ordinateur. L’impulsion a pour objectif de stimuler les fibres musculaires et de créer le mouvement. Ce circuit, qui dure moins d’une dixième de seconde (soit un peu moins vite que les véritables « pensées ») a fonctionné puisque Ian Burkhal a pu comme il l’avait « souhaité » ouvrir et fermer sa main et même saisir une cuillère, même si bien sûr les gestes ont manqué de précision et que la dextérité n’a pas été parfaite. Au total, avec un peu d’entraînement, Chad Bouton à l’origine de ce dispositif estime que jusqu’à une vingtaine de mouvements pourrait être réalisée. « J’ai pu ouvrir et fermer ma main et accomplir des gestes complexes que je n’avais pas pu faire depuis quatre ans. Physiquement, c’était une sensation étrange. Emotionnellement, c’était vraiment une sensation d’espoir et d’excitation de savoir qu’une telle chose est possible » s’est enthousiasmé Ian Burkhal.

Aurélie Haroche

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