Où l’escarre suit une mauvaise pente…du lit

Les escarres, si pénibles pour le patient, sont aussi la plaie des services hospitaliers car elles augmentent la charge de travail pour les soignants, la durée des séjours et leur coût.

Il existe des facteurs favorisants liés au malade, tels la paraplégie, la malnutrition, l’infection ; mais il y a aussi des facteurs externes, frottement, mais surtout cisaillement et pression, qui contribuent à diminuer l’apport sanguin (ischémie). L’influence de la pression dépend de sa durée et de la surface sur laquelle elle s’exerce. Le  déplacement du corps dans un plan parallèle à lui-même, tel que réalisé par un glissement dans le lit, entraîne une destruction des capillaires, par effet de cisaille entre les différents plans (par exemple peau et tissu sous-cutané). La température et l’humidité jouent aussi un rôle. La meilleure prévention de ces phénomènes réside dans le repositionnement du malade en le soulevant ou le tournant. « On peut mettre n’importe quoi sur les escarres, sauf le malade » (R. Vilain.)

Quand le lit devient une rampe de lancement

Le relèvement  de la tête du lit (RTL) améliore le confort, facilite l’alimentation et la respiration, a fortiori chez les malades ventilés ; mais le revers de la médaille est que le lit devient alors une rampe de lancement, la gravité poussant le corps à en descendre la pente. Ce glissement programmé (même sur les lits médicaux conçus pour l’éviter) augmente dramatiquement les pressions aux points de contact, sacrum et ischions notamment.

Pour étudier ce phénomène, des auteurs d’Ogden (Utah) ont fait appel à 2 hommes et 2 femmes non enceintes, choisis aléatoirement dans un groupe de volontaires « sains ». Les lits avaient des matelas d’air motorisés, ou non motorisés, ou encore des matelas en mousse à mémoire viscoélastique. Pour chaque volontaire et chaque matelas, 4 positions ont été testées, la tête du lit étant toujours relevée de 30° : l’une avec un angle des creux poplités à 14° empêchant tout glissement, les trois autres avec des glissements possibles respectivement de 7,5 cm, 15 cm et 22,5 cm.

Une cartographie des pressions a été obtenue en glissant sous le bassin et sous les talons des capteurs manométriques en mm Hg. Les mesures ont été faites avant tout glissement puis après glissement de 2,5, 5, et 7,5 cm au niveau de chaque zone et pour chaque type de matelas. Les pics de pression (PP ; pression maximale au niveau de la zone spécifiée), et l’indice du pic de pression (IPP ; plus haute moyenne des pressions enregistrées dans une zone donnée) ont pu être ainsi définies.

Augmentation de pression sur le sacrum et les talons en fonction du degré de glissement

Il a été constaté qu’au cours du glissement, et proportionnellement à sa pente, la surface des zones de contact diminuait (de 10 %), cependant que la pression sur ces surfaces réduites augmentait, ainsi que la PP et l’IPP, notamment au niveau du sacrum (augmentation respective de 6 et 10 % entre 0 et 22,5 cm). Quand les pieds du volontaire touchaient ceux du lit, les zones de PP se déplaçaient vers les trochanters du fait de la flexion des genoux. L’augmentation de PP et PPI est encore plus nette au niveau des talons, croissant respectivement de 63 et 93 % quand la descente passe de 0 à 22,5 cm ! En revanche, le type de matelas n’a aucune influence sur les mesures de pressions. Ces pressions accrues contribuent vraisemblablement à la formation des escarres.

Dr Jean-Fred Warlin

Références
Hermans MHE et Call E : Failure to reposition after sliding down in bed increases pressure at the sacrum and heels. Wounds 2015; 27: 191-198

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