
Boston, le samedi 17 septembre 2022 – Lorsque, dans un peu
plus de deux semaines, le comité Nobel décernera le Prix Nobel de
médecine 2022, le JIM ne manquera pas d’écrire un article très
sérieux sur l’objet des recherches qui auront été récompensés. Mais
en attendant la grande messe suédoise, détendons-nous avec des
recherches scientifiques un peu moins sérieuses. Ce jeudi se tenait
la 32ème cérémonie des Ig Nobel, cette remise de prix qui
récompense chaque année depuis 1991 les scientifiques ayant réalisé
les découvertes les plus incongrues et loufoques, des études qui
nous font « rire puis réfléchir » écrivent les créateurs du
prix.
Si la cérémonie des Ig Nobel est l’occasion de rigoler de la
science, on ne plaisante pas en revanche avec la santé. C’est
pourquoi, pour la 3ème année consécutive, la cérémonie n’a été
organisée qu’en visioconférence et non pas dans les locaux de la
prestigieuse université de Harvard, comme c’était le cas avant la
pandémie de Covid-19. La cérémonie parodique s’est tout de même
offert des invités prestigieux, puisque ce sont d’anciens
récipiendaires du « vrai » prix Nobel qui remettaient les
récompenses cette année.
Une crème glacée pour faire passer le gout de la chimio
Parmi les dix prix décernés, deux en particulier nous
intéressent. Le Prix Ig Nobel de médecine a ainsi été décerné à des
chercheurs de l’université de Varsovie pour une étude consacrée au
traitement de la mucite, un effet secondaire très courant de la
chimiothérapie. Un moyen fréquemment utilisé pour limiter cette
complication est la cryothérapie, qui consiste pour le patient à
sucer des glaçons. Mais cette technique est souvent mal tolérée par
les malades. Les chercheurs polonais ont donc tout simplement
remplacé les glaçons par des crèmes glacées achetées à la cafétéria
de l’hôpital. Résultat, 29 % des patients ayant régulièrement mangé
des crèmes glacées pendant leur chimiothérapie ont développé une
mucite, contre 59 % de ceux n’ayant pas bénéficié de cette forme de
cryothérapie.
Mais notre étude préférée est celle qui a obtenu le Prix Ig
Nobel de cardiologie pratique, réalisée cette fois par des
scientifiques hollandais et britanniques. L’objectif était de
mesurer les manifestations physiologiques d’une attirance
réciproque entre deux individus. Pour leur étude, les chercheurs
ont enrôlé 140 personnes constituant 70 paires d’individus ne
s’étant jamais rencontré. Chaque paire est entrée dans une «
cabine de rendez-vous », où ils ont d’abord pu se voir
pendant trois secondes, puis interagir non-verbalement pendant deux
minutes, puis verbalement pendant deux autres minutes. Après chaque
interaction, les participants devaient noter leur niveau
d’attirance pour l’autre personne et, à la fin du «
rendez-vous », dirent s’ils souhaitent revoir l’autre
cobaye.
Un ECG aux chandelles
Les chercheurs se sont alors penchés sur l’attitude, les
mimiques mais aussi le rythme cardiaque et la conductance cutanée
des participants à l’étude et notamment des 17 % de couple où
l’attirance était réciproque. Ils ont alors pu mesurer que s’il
n’existe pas de corrélation entre des comportements et mimiques
similaires et une attirance réciproque, il en existe bien une entre
la synchronisation physiologique et cette attirance : plus deux
personnes sont attirées l’une vers l’autre, plus leur rythme
cardiaque et leur conductance cutanée sera similaire.
« Nos données démontrent que les couples peuvent parfois se
sourire ou s’imiter de manière superficielle, sans que cela ne
corresponde à une réelle attraction ; en revanche, ceux dont les
caractères physiologiques se synchronisaient sont réellement
attirés l’un par l’autre » écrivent les auteurs de l’étude.
Contrairement au regard, le cœur ne ment donc jamais. Conclusion :
la prochaine fois que vous serez à un rendez-vous galant, au lieu
de vérifier si votre vis-à-vis vous sourit, demandez-lui de passer
un ECG en même temps que vous…
Quentin Haroche