Exclusif : les professionnels favorables à l’autorisation d’un traitement préventif de l’infection à VIH

Paris, le mardi 25 novembre 2014 – La prophylaxie pré exposition (PrEP) au VIH a gagné significativement du terrain dans le monde ces deux dernières années. Après l’extension aux Etats-Unis de l’indication de Truvada (Ténofovir + FTC) afin qu’il puisse être prescrit à titre préventif et la publication de nouveaux travaux confirmant l’efficacité de cette stratégie sur la diminution du nombre de contaminations, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a, cet été, officiellement recommandé « aux hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes de considérer la prise des antirétroviraux comme une méthode supplémentaire de prévention face au VIH ». Une telle stratégie permettrait d’éviter « un million de nouvelles infections au sein de ce groupe en 10 ans » assure l’OMS qui a inclus dans ces nouvelles préconisations les transsexuels, les prisonniers, les consommateurs de drogues injectables et les prostitué(e)s. Parallèlement à cette annonce, les CDC plaidaient en faveur d’une utilisation élargie de Truvada dans un cadre préventif.

Une courte majorité désormais en faveur d’un traitement préventif du VIH

En France, la PrEP n’est toujours pas une réalité. L’essai Ipergay destiné à mesurer l’efficacité de cette stratégie vient seulement de s’achever (avec des conclusions semblables à tous les essais similaires conduits sur le sujet), tandis que la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) de Truvada à titre préventif n’a toujours pas été entérinée. Si plusieurs instances, dont le Conseil national contre le Sida, se sont prononcées en faveur de l’inscription de la PrEP parmi les méthodes de prévention du VIH, les positions évoluent lentement sur le sujet. Il y a deux ans, nous avions ainsi interrogé les professionnels de santé : ils étaient très partagés sur l’autorisation d’un traitement préventif de l’infection à VIH, 47 % s’y déclarant opposés et la même proportion s’y déclarant favorables. Deux ans plus tard, se dessine désormais une courte majorité en faveur d’une telle autorisation : 50 % des professionnels de santé interrogés sur notre site du 3 au 18 novembre paraissent souhaiter une telle évolution. Ils ne sont par ailleurs plus que 40 % à se montrer hostiles à une telle idée ; tandis que la proportion de praticiens perplexes face à la complexité du dossier a progressé, passant de 7 à 10 %.

Pourquoi faire compliqué alors que l’on peut faire simple ?

Ainsi, les recommandations de l’OMS, celles du CDC ou encore les résultats positifs des derniers essais n’ont pas réussi à venir à bout des importantes réticences que suscite la PrEP. Cette opposition est d’abord pragmatique : beaucoup considèrent qu’il n’est pas opportun de promouvoir un système de prévention coûteux, complexe, pouvant entraîner des complications et dont l’efficacité à 100 % n’est pas avérée, alors que le dispositif actuel (le préservatif) est peu cher, simple à utiliser, sans aucun risque de complication et dans la très grande majorité des cas efficace. Plus largement, beaucoup (notamment au sein des associations de lutte contre le Sida) redoutent que le développement de la PrEP n’entraîne un recul de l’utilisation du préservatif. Le risque de développement de résistance en cas d’une utilisation plus large des trithérapies est également évoqué par certains, même si les spécialistes se montrent rassurants sur ce point.

Sondage réalisé sur notre site du 3 au 19 novembre

L'ombre du remboursement

Il est également possible que l’adhésion à la PrEP soit freinée par le refus d’envisager qu’une fois autorisé un traitement préventif du VIH puisse être éligible au remboursement par la Sécurité sociale. Une telle demande semble inévitable (et certaines organisations l’ont déjà évoquée), en raison du coût du traitement, de la gravité du risque à prévenir et de la volonté des associations de défense des homosexuels de garantir l’égalité de ces derniers face à la prévention du Sida. Cependant, pour beaucoup ces arguments ne sont pas recevables eu égard au fait d’une part que le préventif est aujourd’hui quasiment totalement exclu du champ du remboursable et d’autre part qu’existent d’autres stratégies de prévention nous l’avons dit, moins coûteuses et tout aussi efficaces.

Protection invisible pour les invisibles ?

Néanmoins, si l’adhésion à la PrEP progresse chez les professionnels de santé, c’est d’une part parce que cette stratégie semble prometteuse en terme de santé publique et probablement également en raison des signaux de plus en plus nombreux mettant en évidence l’échec des stratégies classiques et des discours habituels concernant la prévention du Sida, notamment en direction des sujets à plus haut risque. C’est ce constat qui a par exemple poussé les CDC à se déclarer en faveur de l’élargissement de l’utilisation de Truvada : aux Etats-Unis, le nombre de nouvelles contaminations reste stable depuis plusieurs années (autour de 50 000/an) et  l’utilisation du préservatif est en recul, en particulier dans les groupes à risque. La France n’est pas épargnée par ce phénomène. L’association HF Prévention, qui intervient auprès des homosexuels « invisibles » qui ne fréquentent pas les milieux gays et qui multiplient les rencontres hasardeuses dans les parcs ou les parkings, estime qu’au sein de cette population, la prévalence du VIH est passée de 3 à plus de 5 % en cinq ans. Une confirmation de la diminution de l’utilisation du préservatif et de la nécessité de développer d’autres stratégies, permettant peut-être, à ceux qui le souhaitent, d’assurer leur protection de façon moins visible.

Aurélie Haroche

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