Dépistage du cancer colorectal: la coloscopie n'est pas un selfie

La coloscopie profite aujourd'hui des progrès de la technologie et du numérique, avec des caméras pivotant à 180°, des images de plus haute résolution, etc. Mais pour le Dr N. Arber (Tel Aviv), plus de 20% de polypes ne sont toujours pas détectés pour une série de raisons dont la principale est une préparation inadéquate. Les conséquences sont une VPN et un "Adenome Detection Rate" qui diminuent et un taux de cancers d'intervalle qui s'accroît. En cas de mauvaise préparation, circulez, il n'y a rien à voir…

Le dépistage du cancer colorectal passe aujourd'hui par les tests sanguins, la recherche de sang occulte dans les selles, la recto-sygmoïdoscopie, le colo-CT, la coloscopie et la PillCam. La démarche est importante car le cancer colorectal (CCR) est aujourd'hui le plus fréquent en Europe, avec une incidence de plus 450.000 cas et 200.000 décès par an. La recto-sygmoïdoscopie ne concerne logiquement que les néoplasies du colon distal, la colo-CT a l'inconvénient d'être seulement diagnostique et la PillCam plait pour son côté moins invasif (sensibilité de 84% et 88% pour des polypes > 6 et > 10 mm, spécificité de 64% et 95%). Néanmoins, la coloscopie reste le gold standard mais à la condition que des indicateurs de qualité soient respectés…

Quels sont les indicateurs de qualité ?

Selon l'American Society of Gastrointestinal Endoscopy, les conditions de préparation sont satisfaites si elles permettent la visualisation de lésions > 5 mm, un score de Boston  ≥ 7, une coloscopie complète dans > 95% des cas avec photographie de l'orifice appendiculaire et un taux de détection des adénomes (ADR) >  20% chez les femmes et > 30% chez les hommes. Ce taux est inversement corrélé aux risques de CCR d'intervalle, c'est-à-dire un cancer découvert dans les 3 à 5 ans suivant une coloscopie négative. Le temps moyen minimal de retrait doit être > 6 minutes, corrélé au taux de détection des adénomes.

En pratique, on constate que de 20 à 30% des coloscopies ne permettent pas de conclure avec certitude en raison notamment d'une mauvaise préparation colique entraînant la répétition d'un examen qui n'est tout de même pas dénué de complications et un stress inutile pour le patient.

Pourquoi ratons-nous des adénomes ?

Plusieurs raisons sont évoquées. La première est un ADR < 20%. Dans une étude prospective sur 47.253 coloscopies, le taux de détection de polypes augmente de façon très significative en cas de préparation adéquate (OR = 2,26), avec un ADR > 20%. Or ce taux varie de 10 à 39%.

Quel est le risque de cancer d'intervalle? Une étude incluant 186 endoscopistes et 46.032 sujets a montré un HR = 1 pour un ADR > 20%, un HR = 12,5 pour un ADR compris entre 15 et 19,9%. Pour un ADR > 20%, aucun cancer n'a été manqué. On estime aujourd'hui qu'à chaque augmentation de 1% de l'ADR correspond une diminution de 5% de la mortalité par CCR. Les autres raisons d'échec sont un temps de retrait < 6 min, une intubation caecale insuffisante et des particularités anatomiques.

Un test est mieux que rien…

La coloscopie avec ou sans polypectomie réduit sur une période de 10 à 15 ans, l'incidence du cancer et sa mortalité (-67%) plus marquée pour le cancer du colon distal (RR = 0,18) que pour celui du colon proximal (RR = 0,47). De nouveaux dispositifs sont disponibles, tels que le NaviAid G-EYE Balloon Colonoscope, l'EndoCuff qui améliore sensiblement la détection de polypes dans le caecum et le sygmoïde avec un accroissement de près de 86% de l'ADR et sans effets secondaires. La tendance est la même pour l'EndoRings dans l'étude CLEVER, avec un taux d'adénomes manqués de 15% versus 48% par une autre méthode de comparaison. On suivra aussi avec intérêt le marquage par un anti-CD24-FITC capable de se fixer à des cellules précurseurs. La conclusion pour le Dr Arber est qu'un test est mieux que rien et que le meilleur test est celui qui a été fait.

Dr Claude Biéva

Référence
19th World Congress on GastroIntestinal Cancer (Barcelone) : 28 juin – 1er juillet 2017.

Copyright © mediquality

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article